Qui peut raisonnablement croire Hafedh Caïd Essebsi (HCE) quand il affirme que le remplacement de Youssef Chahed serait salutaire pour la Tunisie ? Les Tunisiens en tout cas n’y croient aucunement. Et pour cause…
Par Wael Mejrissi
Les hostilités sont lancées depuis la déclaration de HCE qui a demandé de départ de Youssef Chahed. La critique qui lui a été adressée est dure le mettant en cause nommément dans le marasme économique que traverse le pays. Une vaste plaisanterie pour le peuple qui est désormais avisé et vacciné contre les carabistouilles politiciennes. Les Tunisiens ne sont pas dupes face à autant de cynisme et voient cette scénographie avec beaucoup de clairvoyance.
Youssef Chahed et le sale boulot
La réalité est que Youssef Chahed a été mandaté pour faire le sale boulot. Une Loi de Finances qui met le citoyen au bord du gouffre par une fiscalité plus dure, des salaires taxés jusqu’à l’agonie et un dinar qui n’est plus que l’ombre de lui-même et cela au prix d’un saccage social. C’est tout ce que voulait (pouvait ?) l’exécutif, dont la marge de manœuvre économique et financière est très réduite, et c’est désormais chose faite.
La mission de Youssef Chahed arrive en toute logique à son terme d’autant que les élections présidentielles se rapprochent à grand pas. On nous expliquait encore il y a peu que le message des dernières élections municipales avait été compris. Des déclarations de façade encore et toujours censées calmer la grogne populaire. Rien de plus.
Les tactiques et le jeu des chaises musicales continue exactement comme avant et pour cause, il est question de mettre tous les députés et l’équipe de Nidaa Tounes en ordre de bataille pour remporter les présidentielles de 2019.
Les mots de HCE ont d’ailleurs été tranchants à l’égard de Youssef Chahed et résonnent comme la fin d’un pacte de non-agression entre les deux hommes. Cela en dit long sur la conception qu’a notre élite de l’intérêt commun qui a un penchant incurable pour le côté affairiste et carriériste de la chose politique.
Le directeur exécutif du parti Nidaa Tounes impute notamment au chef du gouvernement les indicateurs économiques dans le rouge et l’incapacité de mener quelque réforme que ce soit. De tels propos tenus par quelqu’un dont on cherche toujours la vision, le projet politique et sociétal du pays, a quelque chose de surréaliste et de risible.
Un imposteur politique
Est-il nécessaire de rappeler que HCE est arrivé aux plus hautes fonctions du parti de la majorité parlementaire actuelle sans élection et par le seul mérite de porter le patronyme du président de la république? Ce qu’il faut bien appeler un parachutage politique démontre encore une fois que la méritocratie a encore un long chemin à parcourir avant de devenir le temple du talent et de l’effort en Tunisie.
Une imposture politique de plus que les Tunisiens regardent d’un œil amusé et médusé à la fois comme s’ils assistaient à une pièce de théâtre de piètre qualité. Qui peut raisonnablement croire que remplacer Youssef Chahed serait salutaire pour le pays ? Les Tunisiens en tout cas n’y croient aucunement. Il est question de changer les personnes mais certainement pas la politique engagée.
L’enjeu est de porter, pendant cette nouvelle séquence qui s’annonce, un autre discours empreint celui-ci d’une note sociale et humaniste pour faire revivre la flamme citoyenne du Tunisien et lui faire miroiter des espoirs sans lendemain.
La critique économique de HCE ne brille donc que par sa vacuité. Nul besoin d’être Keynes ou Adam Smith pour comprendre que c’est essentiellement la corruption de masse qui plombe notre pays et qu’il suffirait d’attaquer ce fléau à la racine pour que notre économie retrouve des couleurs. Mais ceci demande un sacrifice politique et électoral qu’aucun n’est prêt à concéder. Pas HCE en tout cas dont les déclarations transpirent d’opportunisme politique primaire et qui n’a d’autre visée que d’être investi par son propre parti afin de mettre sa candidature en orbite pour les prochaines élections présidentielles.
Eh oui, l’appétit venant en mangeant et à défaut d’avoir une tête bien faite, beaucoup d’ambitieux se contentent d’un insatiable appétit.
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