Un groupe d’organisations appelle à la révision et au vote du projet de loi contre les discriminations raciales, adopté le 6 juin 2018 en Commission des droits et libertés et des relations extérieures, et qui devrait être bientôt par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).
Ce projet de loi, initiative de la société civile tunisienne, déposé auprès de l’ARP en 2016, avait, dans sa première forme, un champ d’action, définitions et mécanismes de prévention et de mise en place plus respectueux des droits des individus sur un même pied d’égalité.
Dans son état actuel, le projet de loi précise en effet qu’une personne reconnue comme coupable de discrimination raciale encourait jusqu’à 3 ans de prison et une amende pouvant aller jusqu’à 3.000.000 dinars tunisien (DT).
Cependant, les actes mentionnés dans ce projet de loi qui sont reconnus comme des discriminations raciales sont les suivants : l’incitation à la haine, la diffusion d’idées fondées sur la haine raciale, l’apologie et le soutien à des idées ou pratiques discriminatoires, ainsi que l’appartenance à des groupes haineux ou discriminants.
Toutefois, ce projet de loi demeure ambigu par rapport à ses définitions et son application. Il ne préconise pas formellement un champ d’action large pourtant sur toute forme de violence physique.
On remarque aussi l’ambiguïté du caractère volontaire de l’acte discriminatoire, comme établi par l’art.8, ainsi que l’absence de tout critère de distinction et de preuve par rapport à cet acte.
Étant donné les discussions en cours relatives au changement du Décret 88, le choix de ne pas élargir le droit de porter plainte aux personnes morales sous demande de la victime, pourrait porter atteinte à toute victime qui, soit ne peut pas, ou ne veut pas porter plainte pour des raisons diverses.
On s’interroge aussi sur les raisons infondées de la suppression des délais de saisine de la part des tribunaux, une absence de délais insignifiante par rapport au caractère urgent d’un acte de violence.
On souligne également un manque de référence claire à la qualité des victimes d’un acte discriminatoire, ce qui néglige un contexte tunisien présentant un nombre important de ressortissant des pays de l’Afrique subsaharienne qui sont, en situation régulière ou irrégulière, souvent tout autant victimes de discriminations raciales en Tunisie comme le rappelle un fait récent.
Le jeudi 17 mai 2018 dernier, Nadège Ouedraogo, étudiante du Burkina Faso en Tunisie, a en effet été victime d’une agression raciste au Kram, dans la banlieue Nord de Tunis. Elle a en été lynchée par deux jeunes adultes tunisiens qui lui ont violemment lancé des œufs sur une distance de 60 mètres, uniquement du fait de sa couleur de peau.
Cet acte ignoble se doit d’être condamné à l’unanimité afin que d’autres actes de la sorte ne se reproduisent plus et n’en viennent pas à être normalisés en Tunisie, en bénéficiant d’une impunité. La jeune étudiante a porté plainte devant les autorités tunisiennes avec le soutien de l’Association tunisienne de soutien aux minorités (ATSM) en espérant que les auteurs soient sanctionnés à la suite d’une enquête.
Une hôtesse de l’air tunisienne de la compagnie Tunisair avait également subi des injures racistes par une passagère à bord du fait de sa couleur de peau, le samedi 12 mai 2018 dernier, jusqu’à ce que le pilote de l’avion demande à cette dernière de quitter l’avion.
Les organisations signataires condamnent donc ces actes discriminatoires et déshumanisants et appellent les député.e.s de l’ARP à voter ce projet de loi en prenant en compte lesdites préoccupations de la société civile afin qu’il soit également le plus inclusif possible à l’égard de toutes les victimes qu’il doit permettre de protéger.
Source : communiqué.
Les associations signataires :
– Association pour le Leadership et le Développement en Afrique (Alda) ;
– Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) ;
– EuroMed Droits ;
– Association tunisienne pour la défense des droits des enfants (ATDDE) ;
– Association Afrique Intelligence ;
– Association des étudiants et stagiaires africains en Tunisie (AESAT) ;
– Ligue tunisienne de droits de l’homme (LTDH) ;
– Fédération des tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (FTCR) ;
– Association pour les études sur la population, la migration et la société (Aspomis) ;
– Association Citoyenneté et Libertés (ACL) ;
– Centre de Tunis pour la migration et l’asile (Cetuma).
Tunisie : Approbation du projet de loi contre la discrimination raciale
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