Les islamistes et leur femme alibi, la maire de Tunis : derrière la vitrine, que des barbus !
Le parti Ennahdha est marqué par un péché originel similaire à celui du dogme chrétien. Il est même double faisant de ce parti plus proche de la tradition judéo-chrétienne que de l’islam dont il viole et l’esprit et la lettre.
Par Farhat Othman *
Le dogme du péché originel, essentiel dans la religion chrétienne, réfère à la faute commise par Adam et Ève; il y est capital pour comprendre l’humanité et ses souffrances. Or, si une telle faute existe aussi en islam, elle n’a aucune conséquence sur la destinée humaine. Pourtant, ce péché judéo-chrétien marque la pensée et l’action du parti Ennahdha. Il est même double chez ce parti ainsi foncièrement religieux, et même biblique, bien que se présentant comme étant civil. Ce qu’il a tout logiquement confirmé par sa position sur la question de l’égalité successorale.
Premier péché : arrivée au pouvoir grâce à l’Occident
Le premier aspect de ce péché originel est bien évidemment les conditions d’arrivée au pouvoir du parti islamique. Il est erroné de situer son accession au pouvoir grâce aux premières élections dites libres du pays. Car celles-ci n’ont eu lieu qu’après la mise à bas de l’ancien régime et l’installation en conquérant d’Ennahdha dans le pays. Plus personne ne le conteste, cela fut à la faveur d’un simili coup d’État, un pronunciamiento postmoderne en quelque sorte que nous avons appelé coup du peuple état donné qu’il a profité de la tension vers ses droits et ses libertés du peuple tunisien afin d’abattre en son nom le régime de la dictature.
Ce n’est qu’après la réalisation de cette première étape majeure de l’arrivée au pouvoir des anciens proscrits, légalement des criminels pour certains, que l’onction des élections est intervenue. Or, elle ne fut que formelle, symbolique surtout, n’ayant en rien représenté la volonté populaire du fait, tout à la fois, du mode de scrutin que du nombre des participants au vote.
On peut donc dire, sans en rien déformer la réalité, que l’accession du parti islamiste au pouvoir a été décidée par l’Occident, l’ami américain de la Tunisie à sa tête, au service de sa politique tant militaire au Proche Orient qu’économique dans le monde pour l’expansion de son néolibéralisme. Pour cela, il a étendu sa stratégie, déjà éprouvée avec le régime wahhabite, au Maghreb dans le cadre de ce que j’ai nommé capitalislamisme sauvage.
Les événements tant en Tunisie qu’au Maroc et ailleurs ne sont venus que confirmer cette donne initiale qu’illustrent à merveille les empêchements à faire la vérité, par exemple, sur les filières d’acheminement de nos jeunes en chair à canon en Syrie, dont le gouvernement islamiste issu de ladite révolution ne peut pas ne pas être tenu responsable.
Aussi, que l’on ne se leurre surtout pas sur le poids de l’influence occidentale, d’aucuns parlent même de diktat, sur la politique pratiquée par Ennahdha. Car ce parti est bel et bien le parfait serviteur des intérêts occidentaux; s’il n’a pu s’acquitter jusqu’au bout de la tâche qui lui était dévolue en Syrie, il ne continue pas moins d’être très actif dans l’ouverture encore plus grande du pays à un capitalisme de plus en plus dévergondé, sinon sauvage.
Cela veut bien dire que les prises de position des islamistes sur les questions sensibles ne sauraient échapper à la nécessaire modération de l’Occident qui, dans son intervention avérée en Tunisie, ne s’active uniquement auprès des laïcistes, ainsi qu’on le dit bien à tort. Au vrai, il pratique un jeu double et le fait d’abord au profit du parti islamiste, au service mutuel de leurs intérêts dogmatiques, la stratégie occidentale préférant avoir affaire à un islam obscurantiste. Car un tel islam est bien plutôt judéo-chrétien que réellement islamique. C’est ce que démontre la singerie par nos intégristes de cette tradition infiltrée en islam de longue date; et voilà le second péché d’Ennahdha.
Second péché : singerie de la tradition judéo-chrétienne
Une telle singerie n’est, effectivement, pas nouvelle en islam, étant connue dès ses temps primitifs sous la dénomination de judaïcités, les fameuses «israilyet». Ainsi, Ennahdha ne fait que suivre les pas de ceux qui avaient adapté l’islam à la Bible et non la Bible à l’islam. Car la plupart des jurisconsultes en islam n’étaient ni Arabes ni musulmans au départ, comme l’a démontré notre sociologue et historien Ibn Khaldoun. Or, en embrassant l’islam, ils n’ont pu se défaire de leur imaginaire juif ou chrétien bien structuré au fond de leur inconscient; ils n’ont fait que l’islamiser à la surface, juste dans la forme.
Aussi a-t-on vu des traditionalistes éminents traduire en arabe et les attribuer au prophète des extraits de la Bible, sans parler des interprétations orientées des versets coraniques, telle l’invention du crime homophobe en islam et qui n’a de base légale que dans la Bible, le Coran ne comportant aucune prescription en la matière ni non plus la Sunna authentique consignée par Boukhari et Mouslem, les plus véridiques des «Sahihs».
En plus de l’homosexualité, la question de l’égalité successorale, parfaitement légitime en islam selon ses visées et son esprit, a fait l’objet de restrictions en contradiction totale avec une correcte lecture du Coran, tout comme l’interdiction de l’alcool, nullement prohibé par le Coran, seule l’ivresse l’étant, ce qui est logique, tout abus étant répréhensible.
Ce qui résume cette dérive judéo-chrétienne dans l’interprétation de l’islam est sans nul doute la conception du péché qui a prévalu chez les musulmans sous l’influence de la Bible. En effet, il n’est qu’un seul péché en islam, celui d’associer une autre divinité à Dieu, tout le reste n’étant que des fautes pardonnables, péchés véniels en quelque sorte. Or, nos jurisconsultes ont oublié l’essence de l’islam en la matière pour inventer différents péchés qui n’ont de justification que dans la Bible, rendant le Coran aussi liberticide que l’est la Bible, faisant de Dieu cette divinité judaïque dénuée de ce qui la caractérise en islam : clémence et miséricorde.
Il est bien temps de revenir à l’islam authentique, foi du pardon et d’absolution, où l’humain n’est soumis à Dieu que doté de droits et de libertés qui ne peuvent qu’être larges, sans restrictions, afin de mériter l’honneur d’être capable de Dieu, comme disent les soufis, ce seigneur qui l’a honoré en le voulant digne. Or, il n’est de dignité qu’avec la liberté, seul le libre arbitre étant en mesure de limiter la libre initiative; ce qui rappelle l’autonomie chère à Kant, bien proche du soufisme en l’objet.
Le vrai diktat occidental en Tunisie
Pareil éloignement des musulmans de leur religion et leur alignement sur la tradition judéo-chrétienne transparaît dans la dernière position officielle du parti Ennahdha refusant l’égalité successorale. C’est la preuve éclatante du diktat occidental imposé à la Tunisie, mais le vrai, celui qui s’exerce par le biais du parti amené au pouvoir par l’Occident et qui fait tout pour s’y maintenir au service de ses intérêts mercantiles après avoir servi sa géostratégie impérialiste.
Ainsi, si l’argument de l’immixtion de l’Occident dans la vie de la Tunisie correspond à une réalité certaine, il n’est pas utilisé à bon droit par qui le dénonce, car il ne désigne et à tort que l’apparence trompeuse des faits, la face apparente de l’iceberg, étant employé à sens unique par les zélotes d’un islam rétrograde pour ne dénoncer de telles ingérences que dans sa pure forme en matière des droits humanistes ou pour une diplomatie plus juste au Proche Orient avec la fatale reconnaissance d’Israël. De pure forme, dis-je, car l’Occident se limite, dans ces matières, à simuler et dissimuler en la matière.
Ainsi l’a-t-on vu encourager les membres de la Commission des libertés individuelles et de l’égalité (Colibe) dans leur bien mauvaise défense des valeurs humanistes, usant tout juste de la stratégie laïciste au lieu de tenir compte de l’islam, comme le suppose la constitution, tout en allant dans le sens de la nécessité des droits et libertés revendiquées au nom même de cette religion. D’où le branle-bas de combat contre le rapport des autres protégés de cet Occident roublard, les intégristes.
Or, en amenant la Colibe à user d’une stratégie défectueuse, il a ruiné les chances de son rapport de faire bouger les lignes en Tunisie en suscitant le refus des milieux traditionalistes, les confortant dans d’illusoires soupçons d’un rapport au service de l’Occident. Ce qui n’est vrai qu’à moitié du fait que cet Occident pratique le double jeu précité, étant le premier responsable de la venue au pouvoir des islamistes et demeurant leur principal soutien, y compris dans leur refus de ces droits et libertés qui n’est pas mieux servi que par une stratégie laïciste puisqu’elle est inaudible des masses.
Ainsi, au risque de surprendre nos occidentalocentristes, il est erroné de croire l’Occident supporter les droits et les libertés invoquées par la Colibe; car son intérêt est bien que l’islam reste dans son état actuel et ne se réveille pas de son sommeil dogmatique de sitôt pour le laisser continuer à profiter à loisir de son alliance capitalislamiste avec les intégristes musulmans. Qu’on regarde donc ce qui se passe dans le monde pour voir qui est derrière les intégristes ! D’ailleurs, il est bien évident que si l’Occident le voulait, il pourrait obtenir de suite le changement du tout au tout de la position officielle du parti islamiste sur toutes les questions sensibles. On le voit, par exemple, sur les timides avancées sur l’homophobie, quoique pas encore pas assez assumées.
Au demeurant, si le parti islamiste ose tenter une telle ouverture, c’est pour compenser d’autres fermetures jugées plus stratégiques, comme l’égalité successorale; ce que lui conseille son soutien indéfectible qui l’exhorte à tabler sur la gêne que l’abolition de l’homophobie est de nature à crée chez ses adversaires. Et on le voit bien avec l’attitude du président de la République qui refuse de saisir les ouvertures d’Ennahdha dans la lettre qu’il lui a adressée, et que le parti islamiste est ainsi bien aise de se garder de publier. Le président n’aurait-il pas dû se suffire de cette lettre pour oser proposer les projets nécessaires pour abolir les textes scélérats en matière de vie privée comme l’homophobie et les contraintes en matière de liberté de consommation d’alcool en plus de son option limitée à l’égalité successorale? N’aurait-il pas ainsi mieux servi la cause des libertés dans le pays ?
Au vrai, l’oukase imposé à la Tunisie — tout comme le monde entier, au reste — est complexe, il est à la fois culturel et religieux qu’économique et financier, traduisant les intérêts globalisés de la finance néolibérale. Il s’y manifeste par cette alliance entre les milieux mercantiles occidentaux et leurs alter ego tunisiens qui ne sont pas que musulmans intégristes; mais le parti Ennahdha en est la figure de proue. Il cristallise l’islam rétrograde, meilleure garantie des intérêts d’Occident. Sans aucune légitimité, il s’approprie le droit d’être porte-parole de la religion; aussi, il importe de le déposséder de cette appropriation farfelue, l’islam n’étant le monopole de personne. D’autant plus qu’il n’existe pas d’autorité théologique en islam; le prétendre, c’est relever de la tradition judéo-chrétienne, l’islam ne comportant ni cléricature ni rabbinat. Ainsi, les imams se prétendant avoir la science théologique infuse violent par une telle prétention indue et l’esprit et la lettre de l’islam.
Aujourd’hui, on est face à un partenariat de l’Occident judéo-chrétien avec un conglomérat d’intérêts qui ne sont opposés qu’en apparence, étant réunis par le service des intérêts occidentaux, soit au nom de l’islam intégriste (le parti Ennahdha) soit au nom d’un autre dogmatisme, le laïcisme islamophobe (les supposés modernistes) soit les politicards prétendus ennemis d’Israël dont ils ne font qu’appliquer la stratégie (les supposés pro Palestine).
Ces forces en apparence opposées sont unies dans une même volonté de se soumettre volontairement au vrai diktat occidental qui est que rien ne change en Tunisie au niveau des droits et des libertés au nom d’un fallacieux conservatisme. Aussi, il est temps d’en finir avec un tel diktat en revenant à une saine lecture de la tradition populaire justifiant les acquis à faire advenir par la religion et aussi les nécessaires réajustements de la politique étrangère par la normalisation avec la Syrie et Israël. On verra alors tomber les masques, découvrant la vérité de chacun, cette complicité dans la volonté du maintien du pays dans un sous-développement qui n’est que mental.
* Ancien diplomate et écrivain.
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