Nâzim Hikmet en exil à Moscou.
Ce poème du grand poète turc Nâzim Hikmet interpelle le citoyen passif, indifférent au sort de son pays et sa conscience endormie. Il a été traduit du turc par Charles Dobzynski en 1964.
Nâzim Hikmet est issu de la noblesse de l’Empire ottoman qui a servi l’Etat. Son grand-père paternel, Mehmed Nâzım Pacha, était le gouverneur de Salonique mais ce fut également un poète. Son père fut également haut fonctionnaire de l’Empire. Sa mère Celile Hanim, linguiste et pédagogue, fille d’Hasan Enver Pasha parlait français, jouait du piano et peignait. Nâzim Hikmet a vécu toutes les péripéties de la fin de l’Empire Ottoman et de la jeune république kémaliste mais à cause de son engagement communiste, il totalisera quinze ans d’emprisonnement ce qui lui fit dire que la poésie est le plus sanglant des arts. Il finira par fuir et s’exiler à Moscou, en URSS, où il finira ses jours et recevra le prix international de la paix, équivalent soviétique du Nobel.
Pablo Neruda et Nazim Hikmet.
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Comme le scorpion, mon frère,
tu es comme le scorpion
dans une nuit d’épouvante.
Comme le moineau, mon frère,
tu es comme le moineau
dans ses menues inquiétudes.
Comme la moule, mon frère,
tu es comme la moule
enfermée et tranquille.
Tu es terrible, mon frère,
comme la bouche d’un volcan éteint.
Et tu n’es pas un, hélas,
tu n’es pas cinq,
tu es des millions.
Tu es comme le mouton, mon frère,
quand le bourreau habillé de ta peau,
quand le bourreau lève son bâton
tu te hâtes de rentrer dans le troupeau
et tu vas à l’abattoir en courant, presque fier.
Tu es la plus drôle des créatures, en somme,
plus drôle que le poisson
qui vit dans la mer sans savoir la mer.
Et s’il y a tant de misère sur terre,
c’est grâce à toi, mon frère.
Si nous sommes affamés, épuisés,
si nous sommes écorchés jusqu’au sang,
pressés comme la grappe pour donner notre vin,
irai-je jusqu’à dire que c’est de ta faute ? Non,
mais tu y es pour beaucoup, mon frère.
Le poème du dimanche : ‘‘Il meurt lentement’’ de Pablo Neruda
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