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Trêve de nostalgie : Aux chiottes Ben Ali et ses 23 ans de règne !

Même si les Tunisiens passent par des moments très difficiles à vivre et que les problèmes s’amoncellent depuis huit ans, le 14 janvier 2011, date de la fuite de Ben Ali et de la chute de son régime, a tout de même abouti à de très belles réalisations.

Par Mohamed Sadok Lejri *

Les nostalgiques de Ben Ali commencent à m’exaspérer au plus haut point. Ils ne cessent de mettre en avant l’image du pays hautement sécurisé qu’était la Tunisie avant le 14 janvier 2011. Ils décrivent la Tunisie «novembriste» (sous le régime de Ben Ali qui a pris le pouvoir le 7 novembre 1987, Ndlr) tel un havre de paix où tout n’est que douceur et volupté. Ils fondent en larmes devant les photos du mafioso gominé qui viennent tout droit de son exil saoudien. Une conception sécuritaire du pouvoir offre le calme aux citoyens et, en même temps, conduit à l’état d’aliénation totale. En d’autres termes «je vous offre la sécurité, mais je m’occupe du reste. Je me réserve le droit exclusif de toutes les décisions majeures. Je réfléchis à votre place et décide de l’avenir du pays et de vos enfants. Contentez-vous de travailler, manger et chier.»

Je ne regretterai jamais ce dictateur-mafioso

Ce tropisme ne plaît qu’à ceux qui veulent se décharger de toute responsabilité pour la confier à un homme moins timoré qu’eux, le faisant passer pour l’homme providentiel.

Je ne regretterai jamais ce dictateur-mafioso qui a bradé le pays aux intérêts de sa famille et de ses amis, qui a instauré un régime où la médiocrité était de mise, où la liberté d’expression était bâillonnée et où les prisons étaient pleines d’opposants.

Contrairement à ce que pensent les nostalgiques de Ben Ali, la Tunisie n’était pas un petit paradis avant la «nouvelle ère» (pour reprendre le jargon «novembriste»). Il semble logique que les retombées de ces 23 ans de dictature médiocre ne me feront jamais regretter ce sinistre personnage dont le règne sans partage n’aura été qu’une parenthèse noire que tout le monde a fermé : une jeunesse abrutie, manipulable à souhait et transformée en chair à canon par les islamistes, la voyouterie et le hooliganisme érigés en idéaux, un chômage dévastateur qui condamne toute une génération à la misère et au désespoir, crise de valeurs, crise morale, aucune planification pour l’avenir…

D’aucuns estiment que la société est désormais divisée, alors qu’elle l’a toujours été. En effet, deux projets de société s’affrontent en Tunisie depuis longtemps, notamment depuis l’indépendance, et cet antagonisme se traduit de la manière la plus violente lorsqu’on aborde les sujets qui soulèvent les passions : l’égalité dans l’héritage, la place de la religion au sein de la société, la libre sexualité des femmes, l’homosexualité, la réforme du système éducatif…

À nous de bâtir de solides institutions démocratiques

Les Tunisiens n’ont jamais été aussi unis qu’on se l’imaginait. La dictature les contraignait à ménager une fausse concorde. Il fallait, tôt ou tard, que ces vieilles rancunes remontent à la surface. Car chacun de ces sujets est un nœud gordien à trancher.

Même si les Tunisiens passent par des moments très difficiles à vivre et que les problèmes s’amoncellent depuis huit ans, le 14 janvier 2011 (date de la fuite de Ben Ali et de la chute de son régime, Ndlr) a tout de même abouti à de très belles réalisations. Avec le pouvoir actuel (si tant est que le mot «pouvoir» convienne encore), je ne vis pas dans la paranoïa, je m’exprime librement, je ne suis plus contraint de me comporter en simple spectateur devant le spectacle nauséabond de quelques pourritures privilégiées en train de mettre le pays en coupe réglée.

Je ne me contente plus, tel un animal, de satisfaire mes besoins physiologiques. À nous de bâtir de solides institutions démocratiques et la société de demain. Aux chiottes Ben Ali et ses 23 ans de règne.

* Universitaire.

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