Réagissant à la tentative des autorités tunisiennes de dissoudre Shams, l’une des rares –et très certainement la plus en vue – des associations de défense des droits LGBTQ en Tunisie, Mounir Baatour, le président de cette Ong, s’est dit «attristré» mais ne désarme pas.
Dans une déclaration à la chaîne de télévision américaine NBC, vendredi 22 février 2019, Mounir Baatour a avoué qu’«il s’agit là d’une triste nouvelle, mais Shams ne mourra pas.»
Il a expliqué que l’association avait reçu une approbation initiale du gouvernement tunisien, en mai 2015, qui reconnaissait son existence légale et l’autorisait donc à avoir pignon sur rue. Un an plus tard, cette décision a été une fois de plus confirmée: en 2016, la justice, fondant son jugement sur les dispositions de la Loi sur les associations, a avalisé la légalité de l’action de Shams.
Ainsi, la question de la légalité de Shams semblait acquise et l’association pouvait mener normalement son action: Baatour a indiqué à NBC News que «Shams a sauvé la vie de plusieurs centaines de jeunes homosexuels.» Sauf que la cause n’était pas totalement entendue puisque, selon le président de l’association de défense des droits LGBTQ, au terme de l’année dernière, 147 personnes croupissaient encore dans les prisons tunisiennes au motif de leur homosexualité.
Pour Mounir Baatour, ce rétropédalage des autorités tunisiennes est «politiquement motivé.» Il en veut pour preuve le fait que la décision de priver Shams de son droit d’opérer légalement intervient à 9 ou 10 mois des scrutins législatif et présidentiel.
Bouhdid Belhadi, directeur de Shams Radio, la première radio LGBT dans le monde arabe.
Ce sera très certainement sur ce terrain des «bonnes mœurs» musulmanes et «du sexuellement correct» que se joueront aussi les élections de cette fin d’année. Et à cette partie-là, l’offensive du parti islamiste Ennahdha sera sans nul doute quasiment imparable. Les Nahdhaouis, de la même manière qu’en 2011 –lorsqu’ils ont fait campagne sur le thème de «la crainte de Dieu» et qu’ils ont pu rafler la mise aux élections de la Constituante–, pourront, cette année également, surfer sur la vague de l’homophobie et s’assurer une bonne récolte à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).
En face, les concurrents – tous les concurrents, notamment ceux et celles qui se disent progressistes et démocrates – auront le plus grand mal à prendre franchement la défense des droits LGBTQ… Par lâcheté intellectuelle et par calcul politique.
Marwan Chahla
Le gouvernement veut dissoudre l’Association Shams défendant les homosexuels
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