On devine désormais qui est derrière les pages Facebook sponsorisées par une société israélienne et supprimées, le 16 mai 2019, par le géant des réseaux sociaux. Inkyfada a mené une enquête pour découvrir qu’un seul candidat à la présidentielle tunisienne est épargné par ces pages qui le mettent en avant et s’attaquent à ses concurrents …
Par Yüsra Nemlaghi
Ces pages fake sponsorisées par la société israélienne Archimedes Group se sont intéressées à 6 pays africains, dont la Tunisie, qui s’apprête à tenir des élections législatives et présidentielles. Fermées par Facebook, leur contenu a pu être visualisé et analysé par Inkyfada, site spécialisé dans l’investigation.
Ce qui ressort de l’enquête intitulée «A qui profite le crime?» et,
menée par notre collègue Monia Ben Hamadi, c’est que le candidat à la présidentielle, Nabil Karoui, patron de Nessma TV, apparaît comme le principal sinon l’unique bénéficiaire de cette opération de manipulation.
Il a non seulement été épargné des critiques et présenté faussement comme un ancien opposant à la dictature de Ben Ali (or, il fût l’un des serviteurs zélé de cette dictature), mais aussi, lesdites pages s’attaquent essentiellement à tous ceux qui s’opposent aux pratiques frauduleuses et illégales de ce dernier.
Aussi les intox ont essentiellement ciblé le chef du gouvernement Youssef Chahed et les personnalités publiques et politiques qui le défendent ou encore les médias dit pro-gouvernement (Mosaïque, Shems, Attessia et El Hiwar Ettounsi), ou qui critiquent souvent le patron de la chaîne Nessma, dont essentiellement Kapitalis, qui a n’a cessé de dénoncer les abus de M. Karoui, ce qui lui valut en retour des campagnes de diffamation et de dénigrement de la part de Nessma.
Inkifada a découvert que cinq parmi ces 11 pages se sont donné pour mission de louer les mérites de Nabil Karoui (accusé d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent), sa chaîne (diffusant pourtant illégalement depuis 2014) ou encore son association « Khalil Tounes » (utilisée pour collecter l’argent et mener sa campagne électorale sous couvert de charité).
Ces fausses pages ont aussi critiqué la fermeture, par la force publique, en avril dernier, de Nessma TV, ordonnée par la La Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica), pour diffusion illégale.
Interrogé à ce propos par Inkyfada, Nabil Karoui aurait mal réagi aux questions des enquêteurs, précise encore la même source : «Je ne comprends pas pourquoi vous m’appelez ? Est-ce que vous avez quelque chose qui vous relie à moi personnellement? Pourquoi vous n’appelez pas une société ?», a-t- répondu.
Inkyfada précise qu’à la fin de la conversation, M. Karoui affirme consentir à répondre par mail aux questions qui lui ont été adressées. Ce qu’il ne fera jamais malgré les relances, affirme le site d’investigation.
Les pages sponsorisées depuis Tel Aviv via Archimedes, société qui serait gérée par un certain Elinadav Heymann, présenté comme un ancien agent du renseignement de l’armée de l’air israélienne, ont finalement attaqué la quasi totalité des candidats à la présidentielle, sauf (drôle de hasard tout de même !) le sulfureux Nabil Karoui. En serait-il le commanditaire ? Difficile de ne pas le penser…
D’ailleurs, ce ne sont pas les seules Fake news visant à manipuler l’opinion publique qui vont dans son sens. En effet, la dernière en date : Visactu, une société française a dénoncé l’utilisation de son nom et son logo, le 31 mai dernier, pour diffuser les résultats d’un sondage bidon, qui, par un autre curieux hasard, place Nabil Karoui en tête des intentions de vote pour la présidentielle…
Ces grossières manipulations ressemblent beaucoup au patron de Nessma, chaîne (très) privée, qui a souvent recouru à la désinformation, à l’intox et au dénigrement de ceux qui dénoncent les abus de son patron. Plusieurs enregistrements audio fuités prouvent les pratiques contraires aux règles déontologiques et aux principes moraux dont M. Karoui s’est fait le champion en Tunisie. Dans ces enregistrements, ce dernier demande expressément à ses journalistes de montrer de faux mico-trottoirs et de fabriquer des reportages à charge, quitte à inventer des histoires de toutes pièces, dans le but de salir la réputation de ceux qui dénoncent ses pratiques. C’est aussi lui qui s’est vanté, un jour, dans l’un des enregistrements disponibles sur le web, d’être un faiseur de roi : «Je suis puissant, j’ai une chaîne TV et c’est moi qui commande», a-t-il lancé. Une phrase digne d’un mafieux…
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