En théorie, l’efficacité d’une économie suppose, entre autres, des stratégies et visions claires mais surtout une bonne coordination entre monétaristes et budgétistes . C’est ce qu’on appelle dans le jargon macro-économique le policy-mix.
Par Khémaies Krimi
Les premiers, représentés en Tunisie, essentiellement, par la Banque centrale de Tunisie (BCT) et le ministère des Finances, ont pour mission d’agir sur l’offre de la monnaie dans le but d remplir son objectif de triple stabilité : stabilité des taux d’intérêt, stabilité des taux de change et stabilité des prix.
Les budgétistes, c’est-à-dire les membres du gouvernement, se soucient quant à eux de réaliser les meilleurs scores de croissance, d’emploi et d’équilibre des échanges extérieurs.
L’absence de plolicy-mix, talon d’Achille de l’économie tunisienne
Si on applique ce principe à la situation macroéconomique tunisienne, on relève, malheureusement, le manque de coordination entre les monétaristes et les budgétistes. Tous deux manœuvrent comme s’ils évoluaient dans des bantoustans séparés. Pour preuve, les divergences entre les deux parties sur le problème des liquidités.
Interpellé sur ce dossier, le 13 mai 2019, par la Commission de la législation générale relevant de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), Marouane El Abassi, gouverneur de la BCT, a déclaré : «L’année 2019 sera une année morose pour les banques de la place à cause de la rareté de liquidités».
Entendre par là que les bénéfices des banques de la place devraient baisser, en 2019, et qu’elles ne gagneront pas autant d’argent qu’en 2018, même si leur marge de manœuvre demeure importante, selon des analystes boursiers.
Deux jours après cette déclaration, le conseiller économique du chef du gouvernement, Lotfi Ben Sassi, a cru devoir tempérer les déclarations du gouverneur de la BCT et démentir même l’existence d’une crise de liquidités en Tunisie.
Cette réaction d’un budgétiste n’est pas surprenante. Elle est compréhensible dans la mesure où le gouvernement est obligé d’apaiser les marchés, car ses politiques sont parmi les causes de l’assèchement de cette liquidité, notamment par le volume de Bons de Trésor assimilables (BTA) vendus aux banques et refinancés au prix fort par la BCT.
Prémices d’une meilleure coordination entre le gouvernement et la BCT
Par-delà ces divergences conjoncturelles, les relations entre budgétistes et monétaristes sont en train d’évoluer, depuis un certain temps, dans le bons sens.
Intervenant lors d’un colloque international, tenu le 11 juillet à Hammamet sur le thème «Efficacité des politiques économiques», Marouane El Abassi a indiqué que «des gains d’efficience économique passent obligatoirement par le renforcement de la coordination entre les politiques macroéconomiques». Il a aussi affirmé que la BCT et le ministère des Finances se sont employés à rechercher la coordination les politiques monétaire et budgétaire à travers l’organisation de réunions régulières. «Cette coordination, a-t-il ajouté, gagnerait à être consolidée moyennant un cadre interinstitutionnel de coopération favorisant une concertation régulière sur les objectifs macroéconomiques et une meilleure circulation de l’information».
Ces déclarations confirment ce que nous disions plus haut, à savoir qu’en Tunisie, la coordination entre le gouvernement et les autorités financières était, jusque-là, très faible.
D’autres indices militent en faveur de l’amélioration de cette coordination. Les prochaines élections générales vont, certainement, faire émerger une équipe de budgétistes plus compétente et, surtout, plus coopérative avec celle des monétaristes. En tout cas, nous l’espérons et l’appelons de tous nos vœux, car il va falloir harmoniser les décisions des uns et des autres et mettre davantage de cohérence dans les politiques de l’Etat.
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