Accéder au pouvoir, n’est pas la seule manière de réussir en politique. Il est évident comme le mentionne Ridha Kefi, qu’en termes de carrière politique Ahmed Néjib Chebbi pouvait aspirer à bien plus et ses compétences, son expérience et l’estime réelle dont il jouit, n’ont pas trouvé la conjoncture favorable pour lui servir de tremplin à une destinée officielle.
Par Mehdi Jendoubi *
Mais au-delà des enjeux de carrières personnelles, M.Chebbi comme d’autres militants politiques tunisiens de toutes tendances, de sa génération, a bien des raisons d’être fier, d’une œuvre collective à laquelle il a amplement et vaillamment contribué.
M. Chebbi appartient à une génération dont l’élite était tout simplement coupable d’avoir tenu des réunions pour critiquer les responsables ou d’avoir écrit des articles publiés dans un magazine tirés à quelques centaines d’exemplaires et d’avoir distribué un tract ou d’avoir signé une pétition. À cette époque, postuler à la présidence était une hérésie que quelques rares personnes pouvaient assumer.
La mission de casser le monopole de la politique
La politique ne se réduit pas à la mécanique des institutions et aux conflits d’ambitions, même si cela attire beaucoup d’acteurs et bien plus de spectateurs. M. Chebbi et les militants de sa génération ont eu pour mission de casser le monopole de faire de la politique et de rappeler au pouvoir et aux citoyens que la destinée collective est l’affaire de tous, et que le citoyen mérite plus que l’indépendance nationale, le pain, la sante et l’école.
Je n’ai jamais appartenu aux multiples structures que M.Chebbi a créés ni jamais voté pour lui, mais j’ai beaucoup appris en écoutant ses interventions et en lisant ses multiples articles biens écrits et bien pensés en langue arabe et en français. Il serait long de parler du rôle du journal ‘‘Al Mawkef’’, deux décennies avant la révolution, comme espace de liberté arraché avec une combinaison d’audace et de réalisme, et comme vivier de futurs acteurs politiques.
Irai-je jusqu’à me réjouir de ces quelques milliers de voix qui ont manqué à M. Chebbi, pour son dossier de candidature aux présidentielles ? Les hommes politiques doublés de qualités intellectuelles comme lui seront aussi utiles, sinon plus, ailleurs qu’a la présidence. J’aimerais le voir donner des conférences dans les multiples facultés tunisiennes, rédiger des rapports pour éclairer les décisions des autorités, publier ses mémoires et surtout veiller à rassembler son œuvre d’articles et de réflexions politiques.
M. Chebbi doit contribuer à élever la pensée politique
La machine démocratique mise en place en Tunisie, est assoiffée d’idées, de valeurs, de pensées et de réflexions élaborées, et c’est ce qui lui donne cet aspect parfois caricatural qui se réduit à des vociférations et des querelles de personnes. C’est une œuvre collective, peut être ingrate, mais tellement nécessaire.
M. Chebbi, vous avez largement contribué à libérer la parole politique, il vous revient de contribuer à élever la pensée politique. Plus que jamais la destinée de M.Chebbi et de beaucoup de grands militants est de se fondre avec fierté et modestie, dans la destinée collective, de semer pour le long terme, le très long terme.
* Universitaire (mehdijendoubi@yahoo.fr).
Rectification de l’auteur de l’article:
Cette opinion a été publiée le 21 août 2019 sur la base d’une information non vérifiée. M. Chebbi lors de son passage chez Meriem Belkadhi sur la chaîne El-Hiwar Ettounsi, le 3 septembre, déclare que sa décision de ne pas se porter candidat aux présidentielles n’est pas en rapport avec le nombre de cautions puisque ses amis politiques ont pu rassembler environ 12000 cautions de citoyens. Je tiens à m’excuser auprès de M. Chebbi et de ses amis politiques. La bonne nouvelle : M. Chebbi publiera prochainement ses mémoires. Elles feront date, pour ceux qui veulent mieux comprendre la vie politique en Tunisie durant les trois dernières décennies.
Mehdi Jendoubi
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