L’entretien télévisé réalisé par Sami Fehri avec Slim Riahi, candidat à la présidentielle anticipée et aux législatives, pose un certain nombre d’interrogations sur son timing et ses objectifs inavoués.
Par Ridha Kéfi
Cet entretien, précédé par une campagne massive de spots diffusés par la chaîne El-Hiwar Ettounsi, devait passer dimanche soir, c’est-à-dire la veille du démarrage de la campagne présidentielle, lundi 2 septembre 2019, mais il n’a pas été diffusé, sans aucune explication de la part de la chaîne, laissant la porte ouverte à toutes les supputations : problèmes techniques, pressions et/ou marchandages politiques, etc.
Finalement, on apprend que l’entretien va passer mercredi soir, et on a eu droit à quelques extraits diffusés en boucle par la chaîne El-Hiwar Ettounsi… pour faire mousser et monter les enchères.
Youssef Chahed, l’homme à abattre
Dans ces extraits, visiblement très choisis, l’ancien président de l’Union patriotique libre (UPL) et du Club africain (CA) mène la charge contre le chef du gouvernement Youssef Chahed, candidat lui aussi à la présidentielle sous la bannière de son nouveau parti Tahya Tounes.
Mieux ou pis : de son exil volontaire quelque part entre Paris, Londres et Dubaï, M. Riahi se permet quelques affirmations pour le moins douteuses et, surtout, invérifiables, sachant la propension de celui qui les profère aux mensonges et aux demi-vérités. Ce qui laisse penser que l’entretien a été conçu dans l’unique dessein de faire le procès de M. Chahed, que les deux hommes ne portent pas dans leur cœur, c’est un euphémisme.
Le fait que MM. Fehri et Riahi soient poursuivis par la justice dans des affaires de corruption et aient intérêt à voir partir M. Chahed, coupable à leurs yeux d’avoir déclenché la guerre contre ce fléau gangrenant la vie politique et économique du pays, pourrait expliquer cet entretien télévisé pour le moins parachuté (hors format et hors contexte) et qui tient plus de la cabale politique que du scoop médiatique.
Ici, il n’est plus question d’information, mais de règlements de comptes. Et c’est le degré zéro de la télévision. On aimerait savoir ce qu’en pense la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica), dont l’impuissance et l’inutilité sont de notoriété publique face aux agissements des hors-la-loi du PAT (paysage audio-visuel tunisien).
Le vieux système fait de la résistance
C’est comme si les barons de la corruption alliés aux magnats corrompus de la télévision (Nabil Karoui, patron de Nessma, candidat à la présidentielle lui aussi, incarcéré à la prison de Mornaguia, n’est jamais loin !) se sont donné le mot d’ordre d’empêcher l’élection de M. Chahed et l’accession de son parti, Tahya Tounes, à l’Assemblée, et de préparer ainsi le terrain au retour du vieux système, celui du népotisme, de la corruption et de l’entre-soi criminel.
Ce système, on le sait, n’a jamais été démantelé. Il est toujours tapi dans les interstices de l’Etat profond, du secteur médiatique hérité du temps de Ben Ali, du paysage partisan constitué au lendemain de la révolution du 14 janvier 2019. Il est porté par des lobbys d’intérêts, des rentiers soucieux de préserver leurs privilèges et des barons de la contrebande et de l’économie parallèle.
En attendant, on attend toujours le retour de M. Riahi, annoncé chaque semaine par son avocat et toujours reporté à la semaine d’après.
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