Selon les autorités agricoles de la région de Kairouan, quelque 45.000 hectares de terres agricoles sont affectés par la prolifération de la plante toxique dénommée «morelle jaune», plante herbacée pérenne à fleurs violettes ou mauves au centre, originaire d’Amérique du Nord.
Par Khémaies Krimi
Par délégation, c’est celle de Sbikha qui est la plus sinistrée avec 35.000 hectares. Les délégations de Bouhajla, Chebika et Oueslatia seraient également lourdement touchées.
Face à la prolifération les agriculteurs kairouanais n’ont cessé, depuis des années, d’attirer l’attention sur ce fléau mais le commissariat régional au développement agricole ne semble pas se soucier outre mesure du problème.
La dernière fois où une campagne a été menée pour essayer d’éradiquer cette plante remonte à 2005.
En dehors de Kairouan, cette plante est signalée dans les gouvernorats de Sidi Bouzid (surtout Jelma), Sousse, Monastir, Mahdia, Sfax, Zaghouan, Tunis et Béja.
En l’absence de statistiques fiables, il est aussi probable qu’elle se trouve dans d’autres régions du pays. Cependant, les deux régions les plus touchées étant celles de Kairouan et Sidi Bouzid.
Impact de la morelle jaune sur les cultures et la biodiversité
Pour les agronomes, cette plante, belle par ses fleurs mais dangereuse par sa toxicité et sa nocivité, est classée dans la catégorie des plantes «invasives». Et pour cause. Elle constitue un danger pour la biodiversité dans la mesure où en colonisant toutes sortes de sols et de terrains rendent les milieux naturels inhospitaliers pour les autres espèces.
D’après Mohsen Kalboussi, universitaire écologiste «la plante est toxique et porte des épines sur ses feuilles et tiges. Ses fruits sont également toxiques et ne sont pas consommés par le bétail. Seules les jeunes pousses sont broutées, notamment après les pluies».
Sa dissémination se fait surtout par l’eau (oueds, pluies…), mais également par les pneus des voitures, les oiseaux et le bétail qui peut ingérer des graines (plantes sèches, fourrage…).
La morelle jaune a un impact négatif sur les cultures en ce sens où sa dissémination génère une diminution de la productivité des terres et du rendement des cultures, et ce, pour une simple raison. Elle entre en compétition avec les plantes cultivées, surtout les cultures saisonnières.
Elle risque à terme de réduire la fertilité des zones irriguées en milieu aride, et parfois même l’abandon des terres, comme cela s’est produit au Maroc par exemple.
Des pistes à explorer pour éradiquer le fléau
Pour y remédier, Mohsen Kalboussi estime qu’«un programme national de lutte contre cette espèce, afin de la confiner et réduire son extension, est plus que jamais nécessaire». Et l’universitaire de préciser : «Un programme de lutte biologique ou l’utilisation d’un bio-pesticide, permettrait de limiter ses effets et ne pas avoir de conséquences indésirables (empoisonnements, pollution chimique)».
Interpellé sur ce sujet, par le quotidien d’expression arabe ‘‘Echourouk’’, Abdelmajid Azzouzi, expert agricole, a proposé de recenser en toute urgence les zones affectées par la morelle jaune, de lutter contre cette plante en utilisant des moyens manuels et de rejeter tout traitement chimique.
L’expert a suggéré de prévoir, dans la loi de finances 2020, une enveloppe budgétaire pour financer la lutte contre cette plante envahissante.
Autre solution recommandée par M. Azzouzi, elle consiste à adopter, comme cela est le cas en Europe, une charte nationale en vertu de laquelle tout citoyen s’engage à éradiquer un mètre carré de morelle jaune.
Abstraction faite de toutes ces informations et solutions pour éradiquer cette plante invasive, nous ne pouvons pas nous interdire de s’interroger sur cette tendance du ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche à traîner encore du pied face à ce fléau et à ne pas s’y attaquer avant qu’il ne soit trop tard.
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