L’activiste religieux controversé, Ridha Jaouadi, élu de la coalition islamiste, Al Karama, à la prochaine Assemblée des représentants du peuple (ARP), selon les résultats préliminaires de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), a publié hier soir, 5 novembre 2019, sur sa page Facebook, un statut dans lequel il a appelé à promulguer une loi «criminalisant l’atteinte au sacré de l’islam».
Par Cherif Ben Younès
«Nous, au sein de la Coalition Al Karama, appelons les élus du peuple à promulguer une loi qui criminalise l’atteinte au sacré de notre religion islamique, en vertu de l’article 6 de la Constitution : “L’État s’engage à diffuser les valeurs de modération et de tolérance et à protéger le sacré et empêcher qu’on y porte atteinte”», a-t-il écrit.
Faisant preuve de beaucoup d’honnêteté intellectuelle, M. Jaouadi a omis de transcrire l’article au complet et n’en a sélectionné que la partie qui l’arrange. Puisque le même article dispose également de «la liberté de croyance, et de conscience et de l’exercice des cultes» que l’Etat doit garantir aux citoyens, ainsi que de «la neutralité des mosquées et des lieux de culte de l’exploitation partisane». Des principes modernistes et laïques, qui ne sont clairement pas au goût de l’ancien imam extrémiste.
Ainsi, M. Jaoudi, qui, soit dit en passant, n’est pas encore officiellement député à l’ARP, en attendant les résultats finaux de l’Isie et la prestation de serment, nous a donné un avant-goût des propositions obscurantistes qui nous attendent de sa part et de la part de ses «frères musulmans» d’Al Karama, durant le prochain mandat parlementaire.
Pour rappel, cette affaire a longtemps alimenté les débats dans les médias, les réseaux sociaux et la scène politique et parlementaire du pays lors de l’élaboration de la constitution, entre 2011 et 2014.
Finalement, jugée trop vague et susceptible d’être abusivement exploitée, l’idée a été abandonnée par l’Assemblée nationale constituante (ANC).
«Ce n’est pas parce que nous sommes d’accord avec les atteintes au sacré, mais parce que le sacré est très, très difficile à définir», avait, à l’époque, précisé Mustapha Ben Jaâfar, président de l’ANC.
Mais nous, on ne va pas y aller par 4 chemins ni adopter ce discours populiste pour se justifier… Ce n’est pas seulement la difficulté de définir le sacré qui aurait dû motiver cette décision et qui doit, aujourd’hui, motiver sa consolidation, mais le fait qu’une telle incrimination mettrait en péril nos libertés individuelles. A savoir celles de pensée, d’expression, de croyance et de conscience.
Dans un pays démocrate, qui respecte l’intelligence et la liberté de ses citoyens, il est hors de question de leur imposer une quelconque tutelle religieuse ou pseudo-morale, comme le préconise M. Jaouadi.
Car il n’y a rien de sacré. Sauf à la limite la dignité et l’intégrité humaine. Par conséquent, seule la violence verbale et physique envers les personnes (et non pas les idées, les idéologies ou les religions) doit être considérée comme une limite à la liberté et doit, par conséquent, être criminalisée.
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