Les récentes manœuvres politiques de Hassouna Nasfi, secrétaire général de Machrou Tounes, pour se rapprocher du parti Qalb Tounes, ne sont pas du goût du président de son parti, Mohsen Marzouk, fortement opposé à une telle démarche. Nouvelles ruptures en vue ?
Par Imed Bahri
Il faut dire que, dans ses dernières manœuvres, Hassouna Nasfi agit davantage en tant que membre du bloc parlementaire de la Réforme nationale que comme secrétaire général de Machrou Tounes et qu’il mène désormais sa barque de manière unilatérale et sans concertation préalable avec les autres dirigeants de son parti.
Un front parlementaire, et plus si affinités
Bien que l’intéressé continue de démentir ses intentions de constituer une alliance avec le parti du magnat de la télévision Nabil Karoui, poursuivi en justice dans des affaires de fraude fiscale et de blanchiment d’argent, des bruits insistants parlent d’accords en cours entre les blocs de la Réforme nationale et de Qalb Tounes pour constituer sinon une alliance politique du moins un front parlementaire, et plus si affinités.
La tentation est si grande et la pente est si douce que M. Nasfi, une grande girouette devant l’Eternel, dont l’opportunisme est en passe de devenir l’unique qualité, se laisse bercer par le chant des sirènes et se voit déjà membre du gouvernement que Habib Jemli, candidat désigné du parti islamiste Ennahdha, est en train de composer, et qui, aux dernières nouvelles va comprendre des personnalités proches Qalb Tounes mais estampillées «indépendantes», comme M. Jemli prétend l’être lui-même vis-à-vis d’Ennahdha.
Tout cet empressement a de quoi susciter les suspicions de Mohsen Marzouk, qui a de bonnes raisons de redouter les conséquences de ce cavalier seul de son bras droit, qui semble aveuglé par son appétit du pouvoir et prêt à toutes les concessions voire les compromissions pour le satisfaire.
Les ambitions contrariées de M. Nasfi
Il faut dire que le passé pas très net de M. Nasfi ne plaide pas pour lui. Ancien dirigeant du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), ancien parti au pouvoir sous la dictature de Ben Ali, l’homme a intégré le parti Nidaa Tounes fondé par Béji Caïd Essebsi, en 2012, en tant qu’ancien RCDiste. Entré à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) à l’issue des législatives de 2014 sous la bannière de ce parti, il n’a pas tardé à en démissionner pour rejoindre le groupe des dissidents conduits par Mohsen Marzouk et à intégrer Machrou Tounes, fondé par ce dernier en 2016. Mais après la cuisante défaite du Machrou aux législatives de 2019, M. Nasfi, l’un de ses rares rescapés au parlement, s’est retrouvé à l’étroit et, paradoxalement, ses ambitions s’en sont trouvées décuplées.
Aussi, et avec la formation du bloc parlementaire de la Réforme nationale avec des députés issus de divers autres partis minoritaires à l’Assemblée, dont il a été désigné président, le très ambitieux Nasfi s’est vu de nouveau pousser des ailes. Ne pouvant plus se suffire d’un rôle secondaire, ne se voit-il pas déjà en haut de l’affiche ? D’autant que deux perspectives s’offrent désormais à lui : devenir membre du gouvernement Jemli, qui cherche à brasser large pour éviter de composer un cabinet bicéphale Ennahdha- Qalb Tounes, et transformer la Coalition nationale en acteur politique de premier ordre. Et dans cette perspective, à laquelle M. Nasfi pense tous les matins en se rasant, Machrou Tounes risque de devenir sinon un handicap majeur du moins un frein.
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