La Tunisie est un petit pays par sa superficie, par sa démographie, par son économie et par son armée. Elle ne peut donc pas s’effacer diplomatiquement. La politique isolationniste à laquelle nous assistons depuis l’avènement de Kaïs Saïed à la présidence de la république est fatale pour la Tunisie.
Par Chedly Mamoghli
Si le président Saïed pense que ce sont les autres Etats qui vont venir à lui et le supplier d’être actif diplomatiquement, il se trompe. Si un chef d’Etat ne bouge pas et n’est pas actif diplomatiquement, son pays sera oublié surtout un petit pays comme le nôtre.
Nous sommes un Etat et non pas une Ong. De ce fait, nous devons traiter avec tous les Etats avec lesquels nous entretenons des relations diplomatiques et avec les chefs de ces Etats sans aucune distinction.
La neutralité ne veut pas dire l’inaction
La Tunisie doit aussi bien traiter avec les Américains qu’avec les Russes, avec les Turcs qu’avec les Égyptiens, avec le Qatar qu’avec les Emirats.
Concernant la Libye, il faut traiter avec les deux protagonistes du conflit, ceux de la Tripolitaine et ceux de la Cyrénaïque, tout en restant équidistant vis-à-vis des deux parties. Traiter avec une seule partie comme c’est aujourd’hui le cas signifie nier l’existence de l’autre partie et ainsi remettre en doute notre neutralité.
Nous devons être et rester neutre par la parole ainsi que par les actes. Et la neutralité ne veut pas dire l’inaction. Au contraire, en étant vraiment neutre et en traitant avec les deux parties libyennes mais également avec les Turcs et les Égyptiens, nous pouvons faire bouger les lignes pour pousser vers le dialogue inter-libyen.
Par contre, traiter seulement avec Fayez Sarraj et les Turcs et ne pas traiter avec Khalifa Haftar et les Égyptiens ne mènera à rien et à ce moment-là, ça ne sert à rien de déclarer qu’on veut aboutir à un dialogue inter-libyen.
Au niveau des chefs d’Etat, il faut mettre l’ego, le militantisme, les sentiments, les avis personnels, la subjectivité, les pulsions, les animosités et les affinités dans le tiroir et le fermer. Il faut traiter avec toutes les parties même celles que l’on n’apprécie pas ou qui ne nous apprécient pas même celles qui ne sont pas connues pour porter la Tunisie dans leur cœur.
Un président cloîtré à Carthage n’est d’aucune utilité pour la Tunisie
Pourquoi le président de la République reste-il cloîtré à Tunis depuis presque trois mois? A-t-il peur de l’avion? Le complotisme habite-il certains esprits dans son entourage qui lui feraient croire qu’un putsch pourrait survenir s’il se rendait à l’étranger?
J’ai du mal à croire qu’il est conseillé par des diplomates. Si c’était le cas, on ne serait pas dans cette situation de torpeur diplomatique et d’isolationnisme à moins que ce soit des diplomates médiocres.
Youssef Chahed, qui est proche du président de la République et qui a son oreille, devrait dans l’intérêt du pays évoquer avec lui cette question et lui conseiller courtoisement de pallier cette situation et de bouger.
La politique isolationniste à laquelle nous assistons est fatale pour la Tunisie et constitue un véritable gâchis surtout que la géographie nous prédispose à jouer un rôle dynamique entre le nord et le sud de la Méditerranée, entre l’Europe et l’Afrique ainsi qu’entre l’Orient et l’Occident. Sans parler de notre situation économique qui ne nous permet pas le luxe de se recroqueviller sur nous-mêmes.
* Juriste.
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