Jaroslav Seifert est un grand poète tchèque du XXe siècle. Né à Prague le 23 septembre 1901 et décédé dans la même ville le 10 janvier 1986, il fut lauréat du Prix Nobel de littérature en 1984.
Enfant issu d’un milieu modeste et né dans un quartier populaire de Prague, Jaroslav Seifert aura sa ville chevillée au corps tout au long de sa vie et elle occupera une place centrale dans son œuvre poétique prolifique. Il faut dire que Prague est une ville magique qui a toujours brillé par son raffinement, sa beauté et sa douceur de vivre que ce soit sous l’Empire austro-hongrois, durant le communisme, après la chute du rideau de fer et jusqu’au jour d’aujourd’hui.
La revue littéraire ‘‘Esprits nomades’’ écrira de lui en le surnommant la vigie consciente de Prague: «Ce Praguois jusqu’à la moelle, cet amoureux fou de Prague qui semble être sa maîtresse et sa foi, était tchèque jusqu’à la déraison. Prague la folle, Prague l’imprévisible, Prague la capricieuse, Prague l’étonnante comme le disent les amoureux de cette ville paradoxale aux confluences du tchèque et de l’allemand. Dans ses ruelles où passe l’ombre de Kafka, l’on retrouve les pavés de la vieille ville qui aura eu la chance de ne point être bombardée par les Allemands. Il avait enraciné en lui cet humanisme et cet humour noir qui depuis le soldat Schweik avait repoussé toutes les oppressions. Prague la douce qui avait si bien accueilli et Mozart et Mahler. Ce piéton de Prague, cet amoureux de la vie et de la beauté du monde aura longtemps marché dans sa ville, bu du bon vin dans les estaminets pragعois, regardé passer la beauté des femmes enrobé de tissu et d’odeurs.»
Seifert a commencé sa vie comme journaliste et a le Parti communiste tchécoslovaque. Ses premiers poèmes sont d’inspiration prolétarienne, mais il évolue vers une forme plus expérimentale. Puis vers un lyrisme intimiste (la mélancolie, la mère, l’amitié, le pays natal). Antistalinien, il est exclu, en mars 1929, du Parti avec six autres de ses camarades pour avoir signé un manifeste contre les tendances bolchéviques du Parti communiste tchécoslovaque.
Président de l’Union des écrivains tchécoslovaques de 1968 à 1970, son rejet du stalinisme et ses prises de position non-conformes avec les désidératas du régime le poussent à quitter ce poste alors que commence la Normalisation en Tchécoslovaquie qui fait suite au Printemps de Prague. Ses œuvres sont alors publiées en samizdat. Il est signataire de la Charte 77, Charte d’opposition au régime communiste en place dont le grand écrivain Vaclav Havel fut membre.
Il reçoit le prix Nobel de littérature en 1984 à 83 ans et meurt deux ans plus tard, en 1986.
Prague, cette saveur comme une gorgée de vin
cent fois je m’en vais la reprendre
ce nom pris dans le souffle
plus doux que l’haleine de la bien-aimée
même si la sirène à travers la demeure
jette bas le casque et quitte le combat
calme ne s’est pas encore tue
la voix de sirène de la conscience
si je la voyais comme un vase
dont ne demeurent que poussière et fragments
si je devais survivre à sa ruine
sa poussière serait douce à ma salive
elle est comme un sceau sur un document
même si elle devait tomber en ruine
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