Le Conseil des chambres mixtes, un lobby de 16 chambres étrangères de commerce et d’industrie regroupant plus de 4.000 entreprises off-shore, ou totalement exportatrices, implantées dans en Tunisie, a organisé, jeudi 9 janvier 2020, à l’intention de ses cadres, un petit-déjeuner débat sur: «La loi de finances 2020 : quels impacts sur l’entreprise ?».
Par Khémaies Krimi
L’objectif est d’exploiter la présence de représentants de l’administration pour exposer les problématiques rencontrées par les entreprises off-shore et pour attirer l’attention sur l’ambiguïté et opacité de certains articles d’application.
Animé par Sihem Nemsia, directrice générale des études et de la législation fiscales au ministère des Finances, ce débat a été une opportunité pour présenter les nouveautés de la nouvelle loi de finances 2020.
Des problèmes liés à la «légistique»
Selon elle, au regard de la spécificité de la conjoncture marquée par la tenue, en 2019, d’élections générales dans le pays, cette loi «n’a pas institué une charge fiscale supplémentaire pour les entreprises», rappelant que «les avantages octroyés en leur faveur, dans le cadre de la loi de finances 2019, sont toujours applicables».
Elle a ajouté que la loi de finances 2020 a eu pour mérite de clarifier et de préciser certaines dispositions de la loi de finances de l’exercice précédent en raison de leur caractère général. C’est le cas de l’impôt sur les sociétés (IS) de 35% auquel sont soumis les sociétés d’hydrocarbures, cet impôt ne doit dorénavant être perçu que sur les services liées directement à l’exploitation (forage, transport…).
C’est le cas de l’extension de l’exonération d’impôt pour les dons aux entreprises publiques et aux institutions constitutionnelles. Auparavant seuls les départements ministériels pouvaient en bénéficier.
En plus de ces précisions, Sihem Nemsia a rappelé que les textes des lois de finances souffrent le plus souvent de problèmes inhérents à la «légistique» ou l’art de rédiger des textes de lois précis et facilement applicables. C’est tout un chantier auquel l’administration tunisienne devrait s’attaquer avec plus de détermination.
Concernant l’off-shore, abstraction faite des remarques faites sur l’opacité du texte de la loi de finances 2020 et sur le renvoi à des articles de la loi horizontale sur l’investissement, ce qui complique davantage leur application, les intervenants ont soulevé un tas de problèmes.
Les réclamations de l’off-shore
Parmi ces réclamations figurent l’application du régime de réévaluation légale des actifs pour les entreprises industrielles au titre des revenus et bénéfices de l’exercice 2019, l’octroi de l’avantage de réinvestissement financier au titre des souscriptions dans les hôtels, la déduction de 50% de la plus-value de cession des actifs immobilises, la suppression des avantages fiscaux liés à l’exportation, l’exonération de l’IR et de l’IS pour les entreprises nouvellement créées, l’élargissement du champ d’application de la déduction supplémentaire de 30% au titre des amortissements.
Autres réclamations formulées. Elles concernent l’assouplissement du système de gestion des bons de commandes dont la non-dématérialisation du processus génère des surcoûts, la simplification des procédures d’obtention des attestations fiscales, la problématique des prix de transfert avec l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions à partir du 1er janvier 2020, le crédit TVA et les différentes problématiques liées au manque de liquidité…
Dans la perspective d’améliorer les rapports entre l’off-shore et l’administration fiscale, les intervenants ont formulé plusieurs propositions.
Des propositions pour remédier la situation
Les premières ont été suggérées par Adel Chaabane, expert-comptable et membre du Conseil stratégique de l’Instance tunisienne de l’investissement (TIA). Ce dernier a appelé à associer davantage le Conseil des chambres mixtes de Tunis dans la prise des décisions économiques afin de permettre, dit-il, aux dirigeants des entreprises étrangères de jouer pleinement leur rôle dans la relance de la croissance.
Il a, également, plaidé pour la stabilité fiscale et rappelé, à ce sujet, que près de 500 mesures fiscales ont été prises au cours de cinq dernières années. Après avoir souligné la nécessité de simplifier les procédures fiscales et de les digitaliser, M. Chaabane a indiqué que, pour des raisons de cohérence et d’efficience, «la TIA doit être l’unique interlocuteur pour les investisseurs». Il s’est prononcé par ailleurs pour «l’unification de la politique d’investissement et la numérisation des transactions tout en assurant le lien entre les différents intervenants dans l’investissement dans le même réseau informatique».
Autres propositions faites par les représentants de l’off-shore. Elles consistent à généraliser l’IS de 13,5% à toutes les entreprises opérant dans l’industrie et les services, à étendre, au profit des sociétés non-rattachées à la Direction des grandes entreprises (DGE), l’avantage de la restitution intégrale des crédits d’impôts à toutes les sociétés soumises à l’audit d’un commissaire aux comptes membre de l’Ordre des experts comptables de Tunisie (OECT). Il s’agit, aussi, de prévoir une convention de financement cadre tripartite banques / direction des impôts / entreprises qui permette de financer, à des taux raisonnables, les crédits de TVA ayant fait l’objet d’une demande de restitution.
En réponse à cette batterie de réclamations et de propositions, Mme Nemsia a promis de les étudier, au cas par cas, et ce, en partenariat avec l’OCDE.
Seule zone d’ombre dans ce débat, c’est la tendance de son animatrice à se déresponsabiliser et à rappeler, à maintes reprises, à un auditoire fort nombreux, que tel article a été proposé par son ministère, que tel autre a été supprimé par le parlement et que tel autre a été introduit par les députés lors du marathon budgétaire, une tendance inutile qui sème la confusion dans les esprits alors que le texte de la loi de finances est bien publié dans le Jort, une publication officielle qui engage toutes les institutions de l’Etat.
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