Comme à son habitude, depuis neuf ans, Ennahdha garde plusieurs fers au feu. Alors que –par manque de prévoyance ou de filouterie, par novicité ou myopie– les autres formations politiques focalisent leurs efforts sur l’instant présent, le parti islamiste a toujours deux ou trois longueurs d’avance… Il en est ainsi pour la pression qu’exercent actuellement les députés nahdhaouis pour faire amender le loi électorale. Mourakiboun met en garde contre cette entourloupe.
Par Marwan Chahla
Dans un communiqué rendu public hier, mercredi 5 février 2020, le réseau Mourakiboun avertit qu’il y aurait vice de procédure si la proposition de loi n° 2020-1, soumise le 24 janvier 2020 et prévoyant l’amendement de la loi électorale actuellement en vigueur, venait à être adopté.
Ce nouveau texte, a été proposé par 24 députés majoritairement appartenant à Ennahdha, notamment certaines grosses pointures du parti islamiste comme Noureddine Bhiri, Sahbi Atig, Samir Dilou, Imed Khemiri, Fayçal Derbel et Mokhtar Lamouchi.
Ennahdha pousse son avantage
Mourakiboun rappelle que, selon les recommandations de la Commission de Venise, la référence internationale en matière de droit constitutionnel, «tout amendement est contraire aux standards internationaux qui recommandent la non-modification de la loi électorale et du mode de scrutin pendant l’année électorale.»
Les députés d’Ennahdha proposent que le seuil permettant à un candidat aux législatives d’obtenir un siège à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) soit porté à 5% des voix exprimées lors du scrutin, alors qu’actuellement ce taux est de 3%.
Hausser ce seuil d’entrée à l’ARP à ce niveau des 5%, nombre d’observateurs craignent, serviraient de manière considérable les intérêts du parti islamiste Ennahdha et peut-être aussi la formation populiste de Qalb Tounes. Sur la base des résultats des dernières législatives, ces deux formations verraient leurs présences à l’Assemblée remarquablement renforcées: le nombre de sièges islamistes passerait de 52 à 82, soit +30, et celui du parti de Nabil Karoui augmenterait de 14, passant de 38 à 52 sièges.
Ainsi, le tandem Ennahdha-Qalb Tounes contrôlerait 134 sièges de l’ARP, soit près 62%…
Une bien improbable entourloupe
Bien évidemment, pour une bonne part, le calcul arithmétique ainsi présenté peut être considéré comme étant un exercice de pure politique-fiction. Certains diront qu’entre octobre dernier et les élections législatives anticipées – si elles ont lieu -, de l’eau aurait coulé sous les ponts et l’usure du socle électoral d’Ennahdha continuerait inexorablement. Souvenez-vous, nous rappellera-t-on: en 2011, les Nahdhaouis avaient obtenu 89 à la Constituante; en 2014, ils ont chuté à 69 sièges, et en 2019, ils n’ont pu en récolter que 52…
L’entourloupe de cette hausse du seuil d’entrée à l’ARP à 5% pourrait, selon les stratèges de Montplaisir, sauver la mise nahdhaouie – bien sûr si cette proposition de loi d’Ennahdha est adoptée par un parlement à peine installé et qui risque déjà d’être dissout par le président de la république, vu les difficultés qu’éprouve son candidat désigné, Elyes Fakhfakh, à constituer un gouvernement en mesure de gagner la confiance du parlement.
A moins que cette histoire d’élévation du seuil ne soit une manœuvre politicienne visant à faire pression sur M. Fakhfakh et sur les partis soutenant son gouvernement en gestation.
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