L’«avis» – tel qu’il a été décrit par son auteur, Noureddine Bhiri – qui consiste à opposer une motion de censure au gouvernement Chahed et le remplacer par un autre, issu de la majorité parlementaire, a donné lieu à une vraie polémique sur la scène politique tunisienne. Une polémique à laquelle le président de la république, Kaïs Saïed, qu’on a voulu ainsi marginaliser, a été contraint de prendre part.
Rappelons qu’hier soir, 16 février 2020, le dirigeant nahdhaoui a indiqué, sur Hannibal TV, qu’il n’y aura pas besoin de dissoudre l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) par le chef de l’Etat si Elyes Fakhfakh, chef du gouvernement désigné, ne réussit pas à faire passer son gouvernement et qu’il suffira, dans ce cas, de court-circuiter le processus prévu par l’article 89 de la constitution réservé à cet effet, en appliquant l’article 97 qui donne au parlement le droit d’opposer une motion de censure au gouvernement en place, celui de gestion des affaires courantes, conduit par Youssef Chahed.
Cette proposition a été jugée suffisamment tordue par plusieurs spécialistes du droit constitutionnel pour être comparée à une tentative de putsch. Kaïs Saïed, lui-même spécialiste de droit constitutionnel, semble d’ailleurs être du même avis.
En effet, la page facebook de la présidence de la république a publié aujourd’hui une vidéo où ce dernier explique à Fakhfakh que cela serait absurde, d’un point de vue constitutionnel, d’opposer une motion de censure contre un gouvernement de gestion des affaires courantes, précisant que, dans ce cas, et en attendant qu’un nouveau gouvernement soit mis en place, le gouvernement Chahed serait chargé, déraisonnablement, de… l’expédition des affaires courantes !
Saïed a également dit qu’avec sa composition actuelle, l’ARP ne peut pas retirer à un gouvernement une confiance qu’elle ne lui a pas donnée, puisque ce sont les députés de la mandature précédente (2014 – 2019) qui la lui avaient accordée.
Le chef de l’Etat assure, par conséquent, que seul l’article 89 doit être appliqué, en l’occurrence.
Interrogé sur cette affaire, Youssef Chahed a, pour sa part, choisi de faire parler son sens de l’humour pour ridiculiser ceux qui veulent lui retirer la confiance, leur conseillant de cesser de regarder Netflix.
Cherif Ben Younès
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