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« Tlamess » d’Alaeddine Slim, un film ovni dans le cinéma tunisien

Après son passage à Cannes, puis sa sortie dans les salles françaises, le film tunisien « Tlamess » (Sortilège) d’Alaeddine Slim, sort aujourd’hui, mercredi 11 mars 2020, dans les salles de cinéma tunisiennes.

Par Fawz Ben Ali

Il avait représenté la Tunisie à la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes 2019 où il avait eu droit aux éloges des critiques et des médias, le 2e long-métrage de fiction du cinéaste tunisien Alaeddine Slim était mystérieusement absent de la dernière édition des Journées cinématographiques de Carthage (JCC 2019), mais le voilà enfin arrivé sur nos grands-écrans.

Un univers cinématographique très particulier

On se rappelle encore de son premier film multi-primé « The last of us » (Tanit d’or de la première œuvre Tahar Chariaa aux JCC, Lion du Futur à la Mostra de Venise, Prix du meilleur film arabe au Festival du cinéma de Tarifa…), un film inclassable de par son univers cinématographique très particulier, suivi par un second film fidèle à cette démarche de rester dans l’abstrait et l’instinctif, et de proposer une oeuvre extrêmement différente de tout ce que l’on a pu voir jusque-là dans le cinéma tunisien.

« Tlamess » suit le parcours d’un jeune soldat tunisien (joué par l’acteur égyptien Abdullah Miniawy) qui était en mission contre un groupe de terroriste au sud du pays. Suite au décès de sa mère, il décide de déserter l’armée, de se réfugier dans une forêt au milieu de nulle part, et d’entamer une vie «sauvage».

Avant-première en présence de l’équipe du film.

Le film, qui est distinctement scindé en deux parties, met en scène par la suite une jeune femme riche (jouée par Souhir Ben Amara) qui attend un enfant mais ne semble pas de réjouir de l’idée de devenir mère. Habitant une vaste villa au milieu d’une forêt, elle sort faire un tour mais ne revient jamais, et ce, après avoir rencontré le déserteur qui l’invite à partager sa vie de nomade.

« Tlamess » lance beaucoup de clins d’œil à son précédent (« The last of us »), à travers des objets comme la boussole, les personnages sans prénom et sans voix, et surtout cette errance et ce besoin de fuir la société. Car les personnages d’Alaeddine Slim cherchent souvent à s’isoler, à faire corps avec la nature et à échapper à leur sort.

Abdullah Miniawy.

Un voyage sensoriel

Dans une approche cinématographique expérimentale et très libre, le réalisateur crée un nouveau monde dans son film, sans références spatiales où temporelles, il nous invite à un voyage sensoriel en résonance avec la nature, laissant très peu, ou presque pas de place à la parole. «Je trouve qu’on parle souvent pour ne rien dire dans la vie comme dans le cinéma», souligne Alaeddine Slim qui possède ce talent de raconter des histoires sans le moindre dialogue, et ce, en misant essentiellement sur les gestes, les mouvements et par-dessus tout les regards. D’ailleurs, l’acteur principal Abdullah Miniawy est un jeune musicien égyptien qui joue ici son tout premier rôle, et qui nous livre tout de même un jeu époustouflant, sans prononcer la moindre parole tout au long du film.

«L’écriture évolue tout le temps, elle n’est jamais figée et se réinvente aussi au cours du tournage», explique le cinéaste qui a construit son film comme «un patchwork», dit-il, à partir de vécu personnel, de rencontres et surtout d’inspirations cinématographiques; le film est en effet étoffé par un nombre de références au cinéma de Stanley Kubrick qu’il considère comme «le maître absolu», a-t-il souligné lors de son passage à Cannes.

Souhir Ben Amara.

« Tlamess » mise beaucoup sur l’esthétique de l’image, la mise en scène, le jeu de lumière, sans oublier la musique, une bande-originale saisissante composée par le groupe français Oiseaux-Tempête, qui sera d’ailleurs en concert, le jeudi 12 mars, à l’Institut français de Tunisie (IFT), à l’occasion de la sortie tunisienne du film.

« Tlamess » est un film sur la solitude, la quête de soi et la liberté, ayant permis à son réalisateur de bousculer les règles cinématographiques conventionnelles et d’imposer ses propres codes. Le résultat est un ovni du cinéma qui ne donne pas les clés de la compréhension mais ouvre les possibilités de l’interprétation. Alors pourquoi chercher à comprendre quand le réalisateur avoue lui-même ne pas tout comprendre dans son film?

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