Dans cette «Lettre urgente à monsieur le président de la république par un médecin ni dans la panique ni dans la léthargie», l’auteure appelle le chef de l’Etat, en prévision d’«une flambée soudaine prochainement» du coronavirus en Tunisie, de parler moins et d’agir davantage.
Par Dr Lilia Bouguira *
La Tunisie est un petit pays avec 12 millions d’habitants. Elle manque de moyens. Ses hôpitaux sont déjà fatigués par le temps et la pénurie depuis des années. Son infrastructure sanitaire est frileuse et fragile.
Par ailleurs, nous manquons d’hôpitaux dans le pays. 175 établissements sanitaires entre hôpital de XIe conscription, régional et universitaires sans compter les structures de dialyse qui sont en permanence pris et le secteur privé qui compte une centaine de cliniques.
Nous comptons 270 lits de réanimation en tout. En extrapolant sur le nombre de respirateurs, nous en comptons 600 qui assureront aux malades en insuffisance respiratoire grave due à la contamination par le virus une respiration mécanique artificielle au besoin en attendant la guérison.
Nous comptons environ 15.000 médecins dont environ 500 anesthésistes-réanimateurs sur tout le territoire.
Nous comptons environ 42.000 paramédicaux tous les secteurs confondus.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le coronavirus a contaminé plus de 121.500 personnes dans le monde et a tué près de 4.370 personnes soit un taux de létalité à environ 3,6% dans le monde dont les plus affectés sont les personnes âgées et à risque.
Toujours selon l’OMS, 70% des personnes contaminées ont guéri, 30% sont des cas sévères voire très graves et qui correspondent à la tranche d’âge des plus de 60 et multitarés. Dans cette tranche, les sexagénaires et plus sont les plus concernés.
Si nous faisons cas de l’Italie pays voisin et qui nous ressemble beaucoup en tant que conditions climatiques et conduites sociales, ce pays a actuellement étendu les mesures d’isolement à tout son territoire pour endiguer l’épidémie. Ainsi, 60 millions d’Italiens sont confinés chez eux à cause de la flambée de l’épidémie. Près de 9000 cas confirmés et 463 morts depuis l’apparition du premier cas. Les urgences sont submergées.
Les services de réanimation dépassés par le nombre de malades graves. Les médecins sont débordés et tombent eux-mêmes malades ou observent l’isolement. Tout arrive à manquer surtout les respirateurs et les chambres de réanimation.
Bref, l’Italie est devenue un grand hôpital à ciel ouvert et où les médecins sont contraints à faire un choix entre ceux qui doivent vivre et ceux qui non. Comme en temps de guerre. Tout cela parce que le temps écoulé pour prendre la décision des mesures extrêmes de prévention sur tout le territoire n’a pas été bien adapté. La catastrophe n’en a été que plus lourde.
Monsieur le président, il s’agit là de la sécurité de tout le pays. Ne nous faites pas de grands discours. Evaluez, agissez et prenez la sage décision. Soyez au rendez-vous avec notre histoire.
Évaluez les risques pour la nation et prenez la sage décision de fermer nos frontières à tous les pays à haut risque, d’imposer l’isolement sur le territoire en commençant par les zones plus touchées et d’élargir au plus rapidement le périmètre s’il le faut.
Il n’y a plus de temps à perdre parce que nous risquons de perdre le contrôle avec les maigres moyens de ce pays, sachant que seul 7 cas se sont déclarés jusqu’à ce jour. Plus de 2000 en isolement.
Imaginez un seul instant qu’il y ait une flambée soudaine prochainement et que nous ne disposons que de 15.000 médecins dont uniquement 500 anesthésistes-réanimateurs, 270 lits de réanimation et 600 respirateurs pour 12 millions de personnes dont 14% environ ont plus de 60 ans soit près de 2 millions de la population totale. L’entité la plus à risque de gravité.
Pour tout cela et devant tout cet état des lieux, prévenir reste notre seul grand moyen.
Monsieur le président pour tout cela, je vous saisis.
*Médecin et activiste de la société civile.
Donnez votre avis