En Tunisie, le taux de pénétration de l’épidémie du Covid-19 dans la population globale est maintenu à des niveaux peu alarmants. Ce qui est alarmant, en revanche, c’est le taux relativement élevé de contamination parmi les professionnels de la santé. Cela a des raisons qui doivent être identifiées et des solutions trouvées dans l’urgence.
Par Pr Faouzi Addad *
Nous venons de dépasser, en Tunisie, le chiffre symbolique de 1000 patients contaminés par le coronavirus. Ce chiffre, soit 1009 exactement, paraît presque insignifiant en comparaison avec le nombre de cas atteints en une seule journée aux Etats-Unis et dans de nombreux pays européens. Mais il ne doit pas nous berner ou justifier un quelconque relâchement, car ce qui inquiète le plus dans les chiffres rapportés par le ministère de la Santé, c’est l’augmentation exponentielle du nombre de professionnels de la santé touchés par le Covid-19.
Les professionnels de la santé insuffisamment protégés
Pour illustrer notre propos, au 3 avril dernier, il y avait 44 professionnels de la santé contaminés (dont 10 importés) et ce chiffre a plus que triplé en moins d’un mois puisqu’il a dépassé aujourd’hui 140.
Il est de notre devoir de comprendre pourquoi nous autres, professionnels de la santé, sommes-nous autant infectés alors que l’épidémie semble ralentir dans la population ?
Tout le monde se rappelle de feu Dr Li Wenliang, ophtalmologiste à l’hôpital général de Wuhan, qui fut un héros à plus d’un titre, d’une part pour être le premier à avertir sur le début de l’épidémie et qui est décédé, le 7 février 2020, du Covid-19, après avoir traité des patients en unités de soins intensifs.
D’après l’Institut italien de la santé publique, environ 17.000 agents sanitaires ont été infectés dont plus des deux tiers sont des femmes. La raison principale est connue : le manque d’équipements de protection individuels (EPI) a, en effet, été rapporté dans tous les pays du monde et de nombreux médecins ont dû acheter eux-mêmes leurs propres équipements.
Renouveler les équipes soignantes et leur apporter un soutien psychologique
Cependant, le port des EPI n’a pas diminué la vitesse de propagation du virus dans la communauté des blouses blanches. Il y a surtout un manque de formation dans la technique de déshabillage qui est cruciale et c’est lors de cette étape que survient souvent la contamination. Un besoin de formation continue est donc nécessaire
Les volontaires fraîchement recrutés et débarqués dans les services Covid-19 sont aussi des sources potentielles de contamination par manque de formation.
La fatigue et la dépression ont également été identifiées comme facteurs de contamination. Renouveler régulièrement les équipes et leur apporter un soutien psychologique sont autant de mesures importantes à mettre en œuvre.
Un traitement prophylactique (hydroxychloroquine, azithromycine, doxycycline…) doit aussi être utilisé à l’instar de ce qui se passe dans reste du monde.
La réouverture des consultations dans les secteurs publics et privés risque d’alourdir encore la facture à payer par les professionnels de la santé. Aussi les instances sanitaires doivent-elles analyser ce problème et y apporter en urgence des solutions concrètes sur le terrain, en assurant une meilleure formation, en renforçant les équipements de protection ou en recourant aux tests rapides.
* Professeur en cardiologie.
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