Les députés du bloc parlementaire Al-Karama exhibent sous la coupole le portrait de Salah Ben Youssef pour exprimer leur rancœur envers le tombeur de ce dernier Habib Bourguiba. Ils cherchent à raviver une vieille bataille d’arrière-garde pour diviser davantage les Tunisiens.
Par Mohamed Sadok Lejri *
Il est vrai que nous aurions dû nous enliser dans le jusqu’au-boutisme de Salah Ben Youssef et de ses soutiens panarabistes. Nous formerions aujourd’hui une population de 40 millions d’habitants, notre système de santé serait aussi bon et notre système éducatif aussi performant que ceux de certains pays voisins, le Code du statut personnel se distinguerait par son défaut d’existence ou serait similaire à celui dont jouissent les femmes pachtounes et les coups d’État mensuels se suivraient et se ressembleraient.
Non, plus sérieusement, l’ingratitude de certains Tunisiens à l’égard de Bourguiba est sans commune mesure…
Une pensée stérile faite de rancœur
Ils me font rire les simplets qui traitent Bourguiba de dictateur sanguinaire et qui nous dressent à chaque fois un réquisitoire sans appel à coups de «il aurait dû faire ça en 196… », «il a eu tort de faire ce qu’il a fait en 197…, mais aurait dû faire ceci et cela…». Ils sont incapables de replacer les événements dans leur contexte et période historique.
En fait, ils se bornent aux aspects les moins flatteurs de Bourguiba et se perdent dans de vaines arguties et des élucubrations prétendument historiques pour souiller sa mémoire, d’où leur pensée stérile qui fait seulement place à la rancœur et au désir de vengeance.
La manière dont on voyait la démocratie et les libertés à l’orée de l’indépendance n’est pas la même qu’aujourd’hui. On ne peut critiquer le bilan de Bourguiba à l’aune des idéologies régnantes du troisième millénaire et des critères d’aujourd’hui. Le rapport aux valeurs évoluent et changent. On ne peut faire le procès de Bourguiba comme s’il avait dirigé ce pays dans les années 2000. On est incapable de penser sérieusement quand on ne peut ramener les choses dans leur contexte.
Des ploucs excités, complexés et rongés par la haine
Personnellement, je pense que si la Tunisie avait opté pour la démocratie à l’aube de l’indépendance, la deuxième moitié du XXe siècle aurait été marquée par des guerres civiles successives et des conflits postélectoraux après chaque scrutin crucial. Il serait utile de rappeler que nous sommes en 2020 et que, depuis son avènement en 2011, la démocratie ne consacre que des islamo-obscurantistes (vendus de surcroît à un roitelet du golfe et au nouveau calife ottoman), des identitaires aigris et réac’ (nationalistes arabes, etc.) et des ploucs excités, complexés et rongés par la haine
Sinon, je suis entièrement d’accord avec ceux qui disent que Bourguiba a préparé le train à la liquidation des acquis réalisés pendant la première période de son règne et qu’à cause de son ego surdimensionné, il a écrasé des adversaires méritants sans vraiment tenir compte de leur sincérité, de leurs compétences et des services rendus à la Tunisie. Je les rejoins sur ce point.
* Universitaire.
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