Faten Charfi vient d’être nommée directrice régionale de Tunisie Telecom à Manouba, un poste réservé aux hommes depuis la création de l’Office des télécommunications, et un poste bien mérité pour ce petit bout de femme qui n’a en tête que le défi de réussir. Nous l’avons rencontrée.
Par Zohra Abid
Nous sommes au siège de la direction régionale de Tunisie Telecom (TT), une bâtisse aux couleurs friandises à l’avenue du Maghreb arabe à la Manouba, la veille du 13-Août, Journée nationale de la femme coïncidant avec le 64e anniversaire de la promulgation du Code du statut personnel ayant contribué à l’émancipation des Tunisiennes. Une date de tous les symboles célébrée chaque année avec fierté.
Donner des «elles» à la direction
Faten Charfi s’est installée dans son nouveau bureau situé au 3e étage, depuis le jour de la passation le 20 juillet dernier en remplacement de Habib Smida, parti à la retraite. «Comme par coïncidence, j’ai déjà travaillé avec M. Smida. Il était l’un des 7 patrons qui m’ont marquée le plus dans ma carrière de 24 ans», raconte la nouvelle directrice régionale de Manouba qui vient de quitter Sfax, sa ville natale, où elle a grimpé divers échelons dans la direction régionale. «On a toujours installé des ingénieurs dans ce poste, mais des gestionnaires, là c’est une première», poursuit Faten Charfi avec son sourire timide. Elle n’est pas peu fière d’être la première femme à la tête d’un district régional chez Tunisie Telecom, une entreprise qui a toujours cherché à valoriser la femme.
«Pas moins de 46% des employés chez TT sont des femmes, 49% des postes à responsabilités sont confiés aux femmes, alors que 37% seulement des employés de Yahoo sont des femmes, Facebook emploie pour sa part 32% des femmes, alors que Google et Apple ne dépassent pas les 30%. Nous avons donc une once d’avance dans notre entreprise publique sur des firmes internationales en matière d’égalité hommes/femmes», lance Mme Charfi. Et ce n’est pas tout, il y a 20 ans déjà, Khadija Hammouda Ghariani était nommée PDG de Tunisie Telecom et l’entreprise a également confié le poste de directeur central à 2 de ses compétences féminines.
La réussite c’est aussi une histoire de volonté, on l’a ou on ne l’a pas !
Mme Charfi parle volontiers de son parcours scolaire. Elle a dû trimer des années durant et ce n’était pas facile pour elle de devenir ce qu’elle est devenue aujourd’hui, et elle n’en est pas peu fière. Car rien ne lui a été donné et elle a dû batailler dur pour mériter ses promotions successives.
Issue d’une famille moyenne qui compte 5 enfants et dont le père était comptable, elle a dû faire de petits jobs pour financer ses études à la fac et ça ne fait que la grandir : «J’ai dû travailler tous les étés notamment dans des centres des handicapés (troubles psychologiques), en tant qu’hôtesse d’accueil saisonnière aussi à l’Office des Tunisiens à l’étranger (OTE) et j’ai eu au final ma maîtrise en gestion financière».
En 1995, la jeune femme se marie et tout va bien pour elle, sauf qu’elle devait travailler, et ça la hante et l’empêche de dormir. En 1996, elle passe un concours à Tunisie Telecom. «C’était l’année où le nom commercial Tunisie Telecom est entré en vigueur. L’affectation a été fixée le 11 novembre 1996, mais (un temps d’arrêt) j’ai accouché de ma fille le 9 novembre soit 2 jours avant le Grand Jour tant attendu. L’accouchement était le seul congé accepté dans ce cas, et après le 40e jour, j’ai pris le chemin du travail. J’ai dû me déplacer à Gabès avec mon mari qui a, entre-temps, changé de métier et dans mes bras, mon bébé âgée de quelques semaines», se rappelle-t-elle. Le défi, c’est son emblème, alors elle continue son petit bout de chemin.
Faten Charfi, qui a déjà eu 2 filles, n’a pas arrêté de rêver… «Il faut bien que je pousse mes études plus loin. J’avais un but précis dans ma vie et ma défunte mère Souad m’a toujours encouragée, d’ailleurs je lui dédie mon succès, c’est ce poste que je viens d’avoir», se souvient la directrice régionale qui a fait entre-temps une formation continue pour avoir le grade d’un baccalauréat plus 6, l’équivalent d’un DEA (diplômes d’études approfondies). C’est ce qui lui a permis d’accéder, au terme de cette formation, au grade de chef de service des affaires administratives et financières. Ça a duré 4 ans. En 2008, il y a eu la réorganisation nouvelle de division commerciale et là, elle a chapeauté tous les postes. «En 2013, on m’a sollicitée pour le poste de directrice régionale, mais à l’époque, mes filles, qui m’encouragent aujourd’hui à aller de l’avant, étaient encore jeunes et avaient besoin de ma présence. L’an dernier, j’ai passé le concours et fin juillet dernier, j’ai pris mon poste à Manouba», raconte Faten Charfi. Sa petite famille (le mari et l’une de ses 2 filles, puisque l’aînée vient de se marier), encore à Sfax, a un seul espoir, c’est de la voir encore gravir des échelons dans sa profession, elle a déjà beaucoup donné aux siens. Sur son bureau, une liasse de dossiers cédés par son prédécesseur… à traiter.
La fête ça dure un jour, mais la vie continue…
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