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Théâtre : «Le nom du père» de Maroua Manai réveille les monstres de la mémoire

C’est avec une production du Théâtre national tunisien (TNT) que le programme Sahriyet été 2020 à Hammamet s’est poursuivi, samedi 15 août 2020, dans la convivialité et la joie des retrouvailles culturelles, avec la pièce «Le nom du père», écrite et mise en scène par Maroua Manai et interprétée par Mariem Ben Youssef, Zeineb Henchiri, Med Adib El Hamdi, Med Slim Dhib et Abdelhamid Naouara.

«Le nom du père» est un huis-clos frôlant l’absurdité beckettienne avec des personnages énigmatiques balayés par des émotions intenses et déchirantes, oscillant entre les désirs les plus absolus et l’impuissance à changer leur vécu, tributaire de hasards et de circonstances dont ils ne détiennent pas les clés du changement.

On est loin de Godot, mais pas loin de son univers d’absurdité, avec au centre un flot de questionnement sur l’existence humaine et le devenir toujours incertain de l’Homme.

Descente dans les abîmes de la condition humaine

Sur une scène quasi obscure, au centre de laquelle trône une table circulaire, des personnages obscurs malgré le semblant d’affection qu’ils éprouvent lors de leur encontre se lancent dans une confrontation irrésistible, sans raisons palpables, se déchirent, se fracassent, se repoussent, dans une dynamique croissante du début jusqu’à la fin de leur retrouvaille.

Il est question de pouvoir, celui du père évidement, mais aussi le pouvoir absolu incarné par l’absence présence d’un ordre profondément ancré dans le subconscient de chacun d’entre eux.

«Le nom du père» est une descente dans les abîmes toujours obscurs de la condition humaine, frêle et précaire, malmenée par la peur, les désirs et les désenchantements.

Cette pièce est un livre ouvert, un palimpseste où les traces du passé sont rebelles et s’obstinent à ne jamais disparaître pour libérer des personnages aveuglés par la vie.

Une réflexion douloureuse et déchirante sur l’ordre et le pouvoir

En procédant à l’autopsie d’une famille, cette pièce invite à une réflexion profonde sur l’Homme, toujours incapable s’interroger sur lui-même dans une dynamique d’introspection, incapable d’aller vers l’Autre, pour s’affranchir de lui-même et de ses chimères. Elle est aussi une tentative de réflexion sociale plus élargie avec comme thématique centrale, l’ordre et le pouvoir représentés dans cette pièce par le père présent-absent et qui se révèle après son départ une personne imparfaite dès lors qu’il a gardé de son vivant secrète la question de l’existence d’un autre enfant, pour ne la révéler qu’à travers son testament post-mortem.

Mais la dramaturgie, le jeu des comédiens et la richesse et complexité du texte confèrent à cette pièce une multitude de lectures, d’autant plus qu’elle s’inscrit dans un cadre spacio-temporel indéfini.

«Le nom du père» est une pièce traversée par des émotions terriblement douloureuses et qui décrit avec une esthétique épurée la souffrance de l’humanité, confrontée qu’elle à l’absurde qui n’en finit pas de la surprendre à chaque détour de son histoire.

Des personnages pris dans le labyrinthe de leurs souvenirs

La pièce déroule le parcours de deux frères et deux sœurs se retrouvent sept ans après leur départ de chez eux. La raison: lire le testament laissé par leur défunt père. Le rituel doit suivre ses instructions: pas un mot ne sera lu avant que toute la famille ne se réunisse dans le foyer ancestral et dîner ensemble en convivialité. Ils sont déchirés entre écouter les derniers mots de leur père et retrouver leur nouvelle vie, quand un invité mystérieux frappe à leur porte.

Le dîner est retardé. Les secrets refont surface, les questions se multiplient et la tension s’accumule. Le dîner est retardé. Ils se rendent vite compte qu’ils sont pris au piège du labyrinthe de leurs souvenirs, incapables de se libérer. Ils essaient de fuir les images cinglantes que la maison réveille. Sont-ils condamnés? La pièce n’offre pas de réponse mais suggère plusieurs possibilités.

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