Ce qui se passe actuellement en Tunisie est très dangereux. Nous sommes face à une dérive populiste du président Saïed qui sape les fondements mêmes de l’Etat de droit et balise le terrain à une dictature et à un despotisme au nom du peuple et de la révolution.
Par Chedly Mamoghli
Je viens d’écouter l’interminable vidéo du discours du président Kaïs Saïed à l’ouverture de la réunion du Conseil de sécurité nationale et de lire attentivement paragraphe par paragraphe le communiqué ayant suivi cette réunion. Je ne me lancerai pas dans l’exégèse du discours; cependant j’évoquerai deux éléments que je considère comme très importants et significatifs.
D’abord, Kaïs Saïed a parlé de tous les sujets au cours de ce Conseil de sécurité nationale sauf du plus important, du plus grave et du plus vital à savoir celui relatif au dossier explosif d’El-Kamour, à Tataouine, où un groupe de gens bloquent la production pétrolière et gazière depuis le 16 juillet 2020. Motus et bouche cousue.
El-Kamour n’est-il pas un problème de sécurité nationale ?
Peut-être que ça se passe ailleurs qu’en Tunisie?! Peut-être que, dans l’esprit présidentiel, le Sud ne fait déjà plus partie du territoire de la république tunisienne?!
Peut-être que la prochaine fois qu’un responsable de l’Etat (ou plutôt de ce qui en reste) foule le sol de Tataouine, il devra demander l’autorisation de Tarek Haddad et de sa bande qui sabotent l’Etat et dont les faiblards qui nous dirigent subissent le racket permanent!
Ensuite, et ce qui est autant grave et préoccupant, c’est que Kaïs Saïed a prononcé des propos très dangereux mais hélas passés inaperçus dont je me dois de souligner la gravité. Bien que n’étant pas une âme sensible, ceux-ci m’ont choqué et désarçonné.
M. Saïed a dit: «Ceux que l’Histoire a condamné, la société n’attendra pas le verdict de la justice pour les inculper». Oui, ces paroles sortent de la bouche du président de la république. Le magistrat suprême, professeur de droit de son état, jette ainsi à la poubelle deux principes élémentaires du droit et non des moindres à savoir la présomption d’innocence et la responsabilité individuelle.
L’Etat de droit est en danger
Donc, à suivre son raisonnement, on n’a même plus besoin de justice! On supprime les tribunaux et on instaure les tribunaux populaires où il n’y a pas de présomption d’innocence, où la responsabilité est collective et où l’accusé est condamné avant l’ouverture de son procès? Au rythme où évolue (ou régresse) la pensée présidentielle, on aura bientôt droit au fameux «ennemi du peuple» de l’URSS de Staline et de la Chine de Mao?
Kaïs Saïed a été surnommé par ‘‘Le Point’’ durant la campagne électorale «Robespierre sans les guillotines». Le discours de ce soir, c’est «Robespierre avec les guillotines».
Ce qui se passe actuellement en Tunisie est très dangereux. Nous sommes face à une dérive populiste qui sape les fondements mêmes de l’Etat de droit et balise le terrain à une dictature et à un despotisme au nom du peuple et de la révolution.
* Juriste.
Donnez votre avis