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Le coup de pouce de Kaïs Saïed aux islamistes d’Ennahdha

Réunion du Conseil de sécurité nationale le 28 septembre 2020.

Dans son discours d’investiture le 23 octobre 2019 devant l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), le président Kais Saied nous a promis haut et fort qu’il n’y aura pas de retour en arrière. Mais, rien qu’en suivant ses derniers discours, force est de constater que cette promesse n’est plus d’actualité.

Par Chokri Fendri *

Entendons-nous d’abord sur le sens du progrès. En effet, on ne peut dissocier le peuple tunisien de l’humanité, l’abolition de l’esclavage dont la Tunisie était pionnière (23 janvier 1846 par Ahmed 1er Bey) est un acquis pour l’humanité entière et aucun ne peut aujourd’hui revenir à l’esclavage, de même l’égalité des droits homme/femme n’a cessé de marquer des points. Pour la peine capitale, le nombre d’Etats qui l’ont aboli l’emporte de loin sur les Etats réticents.

Feu Mohamed Charfi disait dans l’une de ses conférences : aucun de nous n’accepte aujourd’hui de voir le poteau de pendaison à la place de la monnaie près de l’ancien siège de la Banque Centrale à l’embouchure de la rue des Salines, là où il était jadis installé… L’esprit humain évolue.

Un niet catégorique contre l’égalité successorale

Ceci dit, revenons aux derniers discours présidentiels et commençons par le fameux discours du 13 août 2020 lors duquel le M. Saied a donné un niet catégorique contre l’égalité successorale prétextant que le texte sacré dans ce volet ne se prête à aucune discussion. Ainsi un coup de grâce a été donné à la Commission des libertés individuelles et de l’égalité (Colibe).

Dans son livre «Habib Bourguiba le bon grain et l’ivraie» feu Béji Caid Essebsi décrit la ferveur avec laquelle le président Habib Bourguiba voulait introduire les réformes auxquelles il aspirait et ce juste après la proclamation de l’indépendance, le 20 mars 1956 : le Code du statut personnel, l’élimination des cours de justice charaïque, le remplacement des chiffres indiens par les chiffres arabes… et n’eusse était l’opposition de quelques dignitaires, Bourguiba aurait instauré l’égalité successorale (dommage, dirais-je).

Son refus, le président Saied l’a prétexté par le fait que le texte sacré ne se prête à aucune discussion et c’est là que le bât blesse car ainsi le président a apporté de l’eau au moulin des islamistes. En effet, leur point de départ dans l’endoctrinement des jeunes et des moins jeunes est le fait que le texte sacré – le Coran en l’occurrence – ne se prête à aucune interprétation et il est applicable en tout temps et tout lieu (صالح لكل زمان ومكان ) de là on doit appliquer l’amputation de la main du voleur comme on doit répudier les femmes… Tout sens critique quel qu’il soit n’est toléré ce qui facilite la soumission et par la suite l’obéissance aveugle à leurs émirs.

La dimension temps n’a pas de place dans l’esprit des islamistes; ils voient les choses en deux dimensions (plate) et d’ailleurs pour cette raison certains des leurs pensent et insistent sur le fait que la terre est plate. Il y a même eu récemment à ce sujet une thèse de physique soutenue à la Faculté des sciences de Sfax sous la direction d’un enseignant islamiste.

Saïed soutient l’appel des islamistes au retour de la peine de mort

Le dernier discours présidentiel, prononcé lors du dernier Conseil de la sûreté nationale, le 28 septembre 2020, apporte lui aussi de l’eau au moulin des islamistes, en laissant entendre qu’il est favorable au retour de la peine de mort. En effet, un observateur averti ne peut que constater avant cette réunion une campagne bien orchestrée sur les réseaux sociaux par les islamistes pour le retour – de fait – de la peine capitale profitant d’une certaine naïveté du bon peuple…

Le moratoire observé depuis les années 1991, date de la dernière exécution effectuée en Tunisie sur un condamné à mort, pour l’abolition de la peine capitale va-t-il ainsi s’arrêter court ?

Ainsi, si les islamistes et leurs affidés ont œuvré, depuis leur accession au pouvoir 2011, à l’effritement et à l’affaiblissement de l’Etat tunisien, accélérés par les recrutements des leurs dans la fonction publique, les indemnités distribuées à leurs anciens détenus ou encore le soutien aux mouvements douteux comme celui d’El Kamour, à Tataouine, bloquant depuis le 16 juillet la production pétrolière et gazière dans le sud du pays, par ses dernières déclarations, le président – sans le savoir – leur a donné un coup de pouce pour le volet idéologique de leur action.

* Citoyen.

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