Accueil » Affaire FTF-CSC : Le football tunisien à l’épreuve de la démocratie

Affaire FTF-CSC : Le football tunisien à l’épreuve de la démocratie

Les habitants de Chebba méritent que leur club de football participe au championnat de Ligue 1. Et si la Fédération tunisienne de football (FTF) s’est empressée d’organiser des play-offs pour permettre à un autre club de prendre la place du CSC, il faudra sûrement une autre décision pour apaiser la situation explosive ainsi créée.

Par Amine Snoussi *

Le football tunisien est un vrai vecteur d’appréhension du ressenti politique, des questionnements autour de Slim Chiboub, ancien président de l’Espérance sportive de Tunis et gendre du défunt président Zine El-Abidine Ben Ali, jusqu’aux premiers chants protestataires sous la répression, scandés dans les stades par les groupes ultras. Désormais, le football tunisien fait face à deux crises dont la clé est entre les mains d’un seul homme: Wadie Jary, président de la Fédération tunisienne de football (FTF).

Le football c’est une affaire très politique

Tandis que Wadie Jary lutte avec Tarek Bouchamaoui pour briguer la présidence de la Confédération africaine de football (CAF), la ville de Chebba manifeste et entame une grève générale. Depuis le début de l’année, le Croissant sportif chebbien (CSC) est en conflit avec la FTF dont le club dénonce le «harcèlement». Il faut aussi noter que le président du CSC est le seul à n’avoir pas voté pour Jary pour se succéder à lui-même à la tête de la FTF et, dans ce conflit avec le président de la FTF, il tente également de créer un syndicat des présidents de club.

Dans ce contexte, il est difficile de ne pas croire que la dernière décision de la FTF de geler les activités du CSC pour la saison 2020-2021.

Et si la source du problème est potentiellement politique, les conséquences le sont assurément aussi : démission collective du conseil municipal de Chebba, attaques de Yassine Ayari, député et leader du mouvement Amal Wa Amal, contre le président de la fédération, solidarité de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) avec le CSC, etc.

La difficile acceptation de la culture de la contradiction

Dans un contexte électoral, le président de la FTF semble vouloir assurer son pouvoir et sa mainmise sur le football tunisien. Depuis la révolution de 2011, plusieurs instances n’ont pas su s’adapter à la nécessité d’accepter la contradiction et s’arment des capacités juridiques pour réprimer.

C’est l’exemple évoqué dans cet article: Wadie Jary, qui fait face pour la première fois à une concurrence forte dans le football tunisien (ses prédécesseurs étaient imposés par le pouvoir central et de ce fait unanimement acceptés), refuse la contradiction et ne cherche pas non plus le consensus. Car les dossiers incomplets et les impayés ne sont pas étrangers au football tunisien au vu de la crise économique que connaît le pays, mais jamais une décision aussi radicale n’a été prise par la FTF. En pratique, la fédération cherche souvent des solutions avec les clubs pour stabiliser leur situation financière, notamment avec des avances sur les droits télévisuels.

Mais quand le Club est un «opposant», le traitement devient hostile, à l’instar de l’Etoile sportive du Sahel (ESS) sous la présidence de Ridha Charfeddine. Le 18 octobre 2020, le club de Sousse adresse un communiqué de soutien et de solidarité aux Chebbiens. Le lendemain, la FTF adresse une correspondance au club demandant les preuves du règlement de tout litige ayant fait l’objet d’une décision émanant d’une instance internationale ou nationale. En cas de non réponse, le club se verra interdire de participer aux compétitions africaines.

Le football tunisien à l’épreuve de la démocratisation

Si le football tunisien doit se démocratiser, c’est parce qu’il reste géré par un pouvoir politique et juridique très centralisé. Une instance indépendante ou un syndicat se doit d’exister pour défendre les intérêts des petits clubs et s’assurer que ces derniers ne subissent pas un traitement différentiel.

Pour l’instant, à contrario de la transition démocratique vécue par le reste des instances politiques, quand il s’agit de football, le pouvoir tunisien reste aux mains d’un seul homme, le président de la FTF.

En attendant cette démocratisation, les habitants de Chebba méritent que leur club participe au championnat de Ligue 1. Si la fédération s’est empressée d’organiser des play-offs pour permettre à un autre club de prendre la place du CSC, il faudra sûrement une autre décision pour apaiser la situation.

* Analyste politique, auteur de ‘‘La politique des idées’’ et ‘‘La génération des crises’’.

Donnez votre avis

Votre adresse email ne sera pas publique.

error: Contenu protégé !!