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Essai : 10 ans après, que reste-t-il des printemps arabes ?

‘‘Quand la Tunisie ouvrait la voie… Combats et débats d’une année révolutionnaire’’ est le titre d’un essai de Pierre-Robert Baduel, paru aux éditions Non Lieu, en France, à l’occasion du dixième anniversaire du lancement des Printemps arabes.

«La mobilisation d’un électorat sensible à son invocation des mânes de la révolution de 2011 par Kaïs Saied, le vainqueur de l’élection présidentielle du 13 octobre 2019, réactualisa-t-elle en Tunisie une espérance populaire dont, dans le monde arabe, Algérie, Soudan, Liban ou Irak offrirent en 2019 d’autres illustrations? En faudrait-il conclure que le Printemps arabe de 2011 n’est pas une utopie obsolète? Le pessimisme qui mina la fin de la présidence Béji Caïd Essebsi fut sûrement la rançon des impasses de l’équipage au pouvoir mais n’y pourrait-on voir aussi l’impact d’une mémoire sélective, voire équivoque, des événements nationaux de 2011?», s’interroge l’auteur. Et d’ajouter : «Pour ne céder ni à scepticisme ni à lyrisme sauvages, un retour semble nécessaire sur cette année de confrontation acharnée entremêlant mouvement populaire informel et élites en grande partie résilientes, issues des rangs du long pouvoir autoritaire et de ses oppositions.»

«De janvier à octobre 2011, des forces politiques prétendant les unes à la légalité, d’autres à une légitimité, s’associèrent de façon ambiguë, souvent contradictoire, dans un commun objectif prioritaire: contenir une rue assurant obstinément une veille révolutionnaire. D’octobre à décembre 2011 s’ouvrit une opportunité de ‘‘révolution dans la révolution’’, des élections démocratiques ayant donné à une coalition dominée par les islamistes l’accès aux institutions et ainsi à la maîtrise stratégique du ‘‘moment constituant’’ qui suivrait (2012-2014)», écrit encore Baduel. Et ce sont les rudes et intenses combats et débats de l’année 2011 qui sont restitués à vif et analysés dans ce dernier livre.

Dans un précédent essai paru en 2018, ‘‘Un temps insurrectionnel pas comme les autres. La chute de Ben Ali et les printemps arabes’’, l’auteur s’interrogeait déjà sur le sort des révolutions arabes : en ces termes désabusés : «Que reste-t-il des Printemps arabes ? Le succès relatif de la révolution dans un seul pays, la Tunisie, et un échec général dans les autres ? Pourquoi la Tunisie ?»

Pour répondre à cette interrogation, après une remise en perspective historique nationale et internationale de la présomption d’une ‘‘exception autoritaire arabe’’, une comparaison s’est imposée à l’auteur, celle des trajectoires des insurrections tunisienne et arabes. Car, dans ces Printemps, «le temps insurrectionnel tunisien occupe une place à part : il les précéda tous et servit aux autres peuples de moteur et de modèle. Il fut particulièrement complexe dans son déroulement et son issue, la chute du président Ben Ali, résulta d’une exceptionnelle, voire aléatoire, combinatoire de facteurs», qu’il s’est employé à reconstituer patiemment dans son essai», écrit Baduel.

Directeur de recherche honoraire en sociologie politique au CNRS, Pierre Robert Baduel a effectué deux longs séjours de recherche en Tunisie (Gabès1969-1979, Tunis 2003-2008) et de nombreuses missions dans l’ensemble du Maghreb. Ancien directeur de la Revue des Mondes musulmans et de la Méditerranée et de l’Institut de recherches sur le Maghreb contemporain de Tunis, il a publié de nombreux articles et livres, dont en 2018, aux Éditions Non Lieu, ‘‘Un temps insurrectionnel pas comme les autres. La chute de Ben Ali et les printemps arabes’’.

I. B.

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