Dans le chaos qui règne aujourd’hui en Tunisie, la plupart des partis sont complices, par l’action ou par le silence des lâches, des méfaits du parti islamiste Ennahdha, dominant la scène politique depuis 2011. La pieuvre islamiste, qui orchestre tout de derrière les rideaux, aspire à la monopolisation de la totalité du pouvoir avec le concours de sa section terroriste et l’aval des autres protagonistes de la scène politique gravitant dans son orbite.
Par Mounir Chébil *
Dans nos traditions à M’Saken, ma ville d’origine, lors de nos cérémonies funéraires, des religieux sont invités pour les prières, l’invocation de Dieu, et la lecture du Coran. Dans des temps lointains, c’était pour ces derniers une occasion de festoyer et surtout de manger de la bonne viande quand la viande se faisait rare dans les plats du citoyen comme de nos jours, et ce, pendant quatre ou cinq jours : les trois jours suivant l’enterrement, pendant le farq ou même au septième et au quarantième jour suivant l’enterrement. Or, le catafalque était adossé au mur extérieur de la mosquée de mon quartier. On disait, qu’en passant par son bienfaiteur, le chef de ces religieux frappait le catafalque du poing en l’interpellant pour ainsi dire outre-tombe : «Mon brave, y a-t-il quelque chose pour aujourd’hui» («Ya damdoum fammach haja lioum»). La mort était signe d’un régal garanti.
La «révolution» est un simple fonds de commerce
Dès le 15 janvier 2011, le lendemain de la chute du régime autoritaire de Ben Ali, le sang du peuple pour la liberté et la dignité était transformé par la classe politique, toutes obédiences confondues, par nos éminents avocats et juristes de la «révolution» en un fonds de commerce.
Toutes parties en manque d’arguments, ou en quête de chasteté pour faire oublier une juteuse prostitution plus que décennale, s’en arrachaient une pinte pour la commercialiser sur les étals de la démagogie et du populisme au rabais.
Elles faisaient pitié les familles des martyrs qu’on trimbalait dans toutes les directions, des mois durant après le 14 janvier 2011, pour rehausser les meetings ou les plateaux TV par des vampires à la recherche d’un visage humain. Il ne manquait que de les mettre en cage dans le zoo du Belvédère de Tunis en tant que curiosité, comme les valeureux Indiens d’Amérique commercialisés en tant qu’attraction touristique.
Depuis 2012, des soldats et des agents de sécurité sont assassinés, parfois dans des conditions atroces, par des terroristes islamistes, relevant de l’organisation des Frères musulmans. Des citoyens, soupçonnés de collaboration avec les forces de sécurité, sont égorgés par cette horde sauvage. Les frères Soltani, deux bergers qui faisaient paître leur troupeau à Jebel Salloum dans le gouvernorat de Kasserine, étaient décapités. Le 20 décembre dernier, un troisième berger de 20 ans du nom Okba Dhibi a été égorgé au même endroit.
Comme d’habitude, cette tragédie était pour les médias l’occasion d’un buzz pour booster leur audience. Compassion, dénonciations, déclarations enflammées, toute une comédie pour jouer sur la sensibilité du public et s’assurer sa fidélité. Pour les politiques, les condamnations tonitruantes et les gesticulations théâtrales n’étaient que surenchères pour séduire des moutons de Panurge à ramener aux urnes lors des échéances électorales pour leur tourner le dos aussitôt les élections terminées.
La banalisation du terrorisme islamiste
Après cette exhibition des beaux sentiments, on commence à nous faire administrer le suppositoire. Le terrorisme est légitimé par les conditions sociales miséreuses et précaires, les carences du système éducatif, l’absence d’encadrement des jeunes, le crime de l’Etat qui a failli à sa mission de développent, l’inégalité entre les régions, et tout l’attirail sophiste tiré du lexique «révolutionnaire» de l’après-14 janvier 2011.
Enfin, on pointe du doigt l’ingratitude de l’Etat envers les martyrs et leurs proches ainsi qu’envers les citoyens tués pour leur collaboration avec les soldats et les sécuritaires. Il fallait là encourager l’indiscipline des militaires et des sécuritaires, ainsi que la politique de l’omerta. Il fallait s’en prendre aux deux institutions de l’Etat qui ont commis le crime de résister aux menées terroristes.
Et voilà, le défilement macabre des alliés des terroristes ainsi que leurs commanditaires et leurs valets sur les manchettes des journaux et les plateaux audiovisuels pour se donner un visage humain et se refaire une virginité. Faute de pouvoir défendre publiquement le terrorisme, il fallait le banaliser, le justifier et même conditionner la population à s’en accommoder.
Les Frères musulmans sont arrivés à noyauter les médias et à les soudoyer pour distiller leur idéologie, déculpabiliser ses criminels, étouffer les oppositions, manipuler l’opinion et la séduire. Les adeptes de la bonne conscience au rabais se plaisent à se masturber sur facebook, prenant cela pour du militantisme contre l’islamo-fascisme. Dans son salon, Rached Ghannouchi est en pleine jouissance.
Les partis politiques contre l’Etat
Alors que les corps des martyrs ne se sont pas totalement rigidifiés dans leurs tombes, les partis politiques reprenaient leur travail de sape systématique contre les fondements même l’Etat. La triste course à la surenchère reprend de plus belle sur fond de propagande populiste, clanique, tribale, régionaliste, corporatiste sous le slogan «plus populiste que moi tu meurs.» En arrière-plan, on fomente, noyaute et instrumentalise les agitations sociales, attisant les instincts rebelles et la propension à la sédition. L’insurrection permanente et les pouvoirs parallèles sont érigés en modèle de gouvernance démocratique. Le sabotage économique est glorifié au prétexte de la nécessaire satisfaction des attentes sociales.
Dans le chaos qui règne aujourd’hui en Tunisie, tous les partis politiques sont complices, par l’action ou par le silence des lâches. Tous se réjouissent de l’affaiblissement de l’autorité de l’Etat, espérant en tirer profit. Or, tout est orchestré de derrière les rideaux par la pieuvre «frériste» aspirant à la monopolisation du pouvoir avec le concours de sa section terroriste, réussissant à mettre les autres protagonistes de la scène politique dans son orbite, exploitant, leur nombrilisme, leur infantilisme, leurs querelles, leurs divisions et la tendance de certains à la compromission.
Quelques jours sont passés après l’assassinat du berger, et la mort de trois agents de la garde nationale dans un accident alors qu’ils étaient en mission sécuritaire à Kasserine, l’un des fiefs des terroristes, et voici que ces martyrs sont déjà oubliés. L’opinion est tenue en haleine par des scandales liés à des présomptions de corruption au ministère de l’Environnement. Il faut pousser le peuple sur les gradins de l’amphithéâtre et le conditionner pour se délecter de la mort et du sang et tout oublier. Le parti Ennahdha a fait destituer le gouvernement Fakhfakh après six mois de son investiture. Tous ont applaudi, mais personne n’a gagné sauf Rachéd Ghannouchi pour avoir poussé au pourrissement de la scène politique.
Le gouvernement Mechichi est dans la ligne de mire malgré sa fraîche investiture. Les partis du clan libéral, oubliant le martyr des braves, sont aux anges et se disputent le vide laissé par l’incarcération de Nabil Karoui, président du parti Qalb Tounes, poursuivi par la justice d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent. Seulement, «yamout ejmal ou ma yrach ennaga» (Le chameau peut mourir sans voir la chamelle), comme le dit l’adage bien tunisien.
Dans cette euphorie, les vampires, occupés à s’arracher la chaire des braves et à se disputer les cadavres de ceux qui tombent, ont oublié les dossiers de l’assassinat de Chokri Bélaïd et de Mohamed Brahmi par des terroristes liés aux Frères musulmans et le dossier de l’organisation secrète des Frères musulmans liée à ces assassinats, qui dorment depuis 2013 dans les tiroirs des tribunaux. Ils ont oublié le procès intenté au Nahdhaoui Rafik Abdessalem Bouchlaka pour avoir dépensé pour son propre compte un don chinois à l’Etat tunisien, procès qui traîne dans les méandres de la justice. Ils n’ont pas exigé l’accélération des procès des terroristes, qui se la coulent douce en prison, en attendant une amnistie une fois les islamistes au pouvoir. Ce sont tous des dossiers où le parti Ennahdha est impliqué à un niveau ou un autre.
Hé les vautours en rut, continuez à carburer pour les Frères musulmans, bientôt, je m’enrichirais en vous vendant les fouets de l’auto-flagellation, et les billets d’avion pour le mur des lamentations.
* Ancien cadre d’administration.
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