Radhi Meddeb, expert économique et patron du Groupe Comete Engineering analyse, dans un entretien avec l’agence Tap, l’évolution mitigée de l’économie tunisienne depuis la révolution du 14 janvier 2011. Extraits…
La Tunisie souffrait déjà avant 2011 d’une croissance qui s’était affaiblie et qui, surtout, était pauvre en termes de création d’emplois et de valeur ajoutée. Sur une longue période, la croissance du pays se situait autour de 4 à 4,5%, par l’an. La crise financière de 2008 l’avait ramenée à des niveaux bien plus bas, autour de 2% l’an, pendant que le reste du monde et notamment nos partenaires européens, passaient par une crise sévère et même, pour certains d’entre eux, entraient en récession.
Depuis 2011, la Tunisie n’a jamais retrouvé les niveaux de croissance d’avant la révolution. En 2011, année de la révolution, le PIB avait reculé de près de 2%, pour se reprendre en 2012, à un niveau appréciable de 3,6% l’an. Mais cette embellie singulière était fragile, car essentiellement tirée par des recrutements importants dans la fonction publique et des augmentations substantielles de la masse salariale publique. Depuis, la croissance s’est toujours située à des niveaux extrêmement faibles, entre 1 et 2% l’an, largement inférieurs au trend avant la révolution et surtout sans rapport avec l’exigence de création d’emplois.
Des études menées dès 2012 montraient que la croissance potentielle en Tunisie était plafonnée à 4% l’an, et que pour pouvoir aller au-delà, il fallait engager de multiples réformes sectorielles, seules susceptibles de lever ce plafond de verre qui pèse sur l’économie tunisienne.
En 2016, des études équivalentes menées par l’Institut tunisien de la compétitivité et des études quantitatives (Itceq) estimaient alors cette croissance potentielle autour de 3% l’an, confirmant le fléchissement continu de son rythme depuis 2009. Or les réformes nécessaires au relèvement de la croissance potentielle n’ont jamais été engagées, faute de stabilité politique, de vision et de volonté. Il en a résulté une dégradation du niveau de vie de la population, une aggravation du chômage et une perte de pouvoir d’achat.
Entre 2011 et 2019, le chômage est passé de 13% de la population active à 15,5 %, hors effet Covid-19 et à plus de 18%, avec l’effet Covid-19.
Le revenu par tête d’habitant, mesuré en dollars en parité de pouvoir d’achat, a reculé de 30% sur la même période et le dinar est passé de 0,52 euro à 0,30, perdant ainsi plus de 40% de sa valeur. La pandémie aura fait chuter le PIB de près de 10% en 2020, gommant d’un coup la maigre croissance cumulée des dix dernières années. Et même, l’annonce, dans le cadre de la Loi des Finances 2021 d’une croissance de 4% est une fausse bonne nouvelle, car à ce rythme, et compte-tenu de la chute brutale de 2020, le pays ne retrouvera le niveau du PIB de 2019 qu’en 2023.
Source : Tap.
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