Mercredi 27 janvier 2021, l’Association des Tunisiens des grandes écoles (Atuge) a organisé un webinaire pour débattre de la stratégie de vaccination adoptée par la Tunisie. Quand va-t-on recevoir nos vaccins? Comment va-t-on les financer? Quel planning de vaccination ? Quel est le coût économique du retard de cette campagne? Sommes-nous en retard par rapport à d’autres pays concurrents ?
Ces questions ont été débattues avec Hechmi Louzir, président de la commission de vaccination et directeur de l’Institut Pasteur ; Lamia Ben Mime, représentante de la Tunisie auprès de la Banque Mondiale (BM) ; Sarra Limam Masmoudi, présidente de la chambre syndicale nationale des industries pharmaceutiques ; Mohamed Oussama Alioua, directeur, US Marketing Sclérose en plaques, Novartis. La conférence est modérée par Wiem Zarrouk.
Wiem Zarrouk, secrétaire générale de l’Atuge et modérateur du webinaire, commence par rappeler certains chiffres chocs : 49 millions de doses déjà administrées dans les pays riches contre 25 doses uniquement dans un pays pauvre; et chiffres de la croissance revus à la baisse par le FMI pour 2020 (- 8,2%), et pour 2021 (3,8% au lieu de 5%).
La Tunisie bénéficiera de tarifs symboliques pour vacciner 20% de sa population
Ensuite, Dr Louzir présente la stratégie nationale de vaccination ainsi que le calendrier de sa mise en place. La situation s’est encore compliquée avec l’apparition des variantes du Covid-19 : il y a un risque que les vaccins ne protègent pas contre ces nouvelles souches. Des efforts extraordinaires ont été déployés par les pays, car habituellement il faut 5 ans pour développer un vaccin. Toutes les précautions ont été prises et des financements plus grands ont été mobilisés, ce qui a permis la production rapide de vaccins basés sur 2 technologies différentes.
Dr Louzir a rappelé que la Tunisie est bel et bien inscrite à l’initiative Cocax, comme l’a confirmé le matin même le représentant de l’OMS en Tunisie, et bénéficiera de tarifs symboliques pour vacciner 20% de sa population. Le souci principal de cette initiative c’est le retard qu’elle a pris.
En parallèle, la Tunisie a quand-même pu avoir 50.000 doses de Pfizer qui seront reçues en février, ce qui nous permettra de tester notre logistique. Nous recevrons le reste à partir du mois de mars. D’un autre côté, l’Union Africaine a mis en place une initiative avec 3 laboratoires, Pfizer, Astra-Zeneca, et Johnson & Johnson, qui nous donnerait un peu plus de 2 millions de vaccins. Nous sommes également en pourparlers avancés avec les Russes et tous les efforts sont déployés pour démarrer la vaccination au plus vite.
La logistique semble rassurante, les centres régionaux sont déjà identifiés et les préparatifs bien avancés. Concernant la plateforme d’inscription Evax qui a atteint 400.000 inscrits, selon Dr Louzir, il y a une volonté d’avoir une meilleure visibilité quant aux dates de réception des premières doses de vaccin avant d’intensifier la communication de la campagne d’inscription.
Mme Ben Mime a ensuite enchaîné avec un rappel des conditions d’accès à l’initiative Covax dont le Liban est le premier pays à bénéficier. Selon elle, la Banque Mondiale a été sollicitée par la Tunisie pour un financement de 100 millions de dollars en vue de l’acquisition des vaccins de chez Pfizer, car ce laboratoire est actuellement le seul à avoir eu l’accord de l’OMS ainsi que celui de 2 autorités de régulations (UE et USA). Cela devrait être approuvé dès le prochain conseil d’administration.
La Tunisie est outillée pour fabriquer des vaccins sous licence
Par ailleurs, Mme Ben Mime pense que ce n’est pas le retard de vaccination, mais celui des réformes et la récession mondiale qui sont les principales raisons de l’actualisation à la baisse de la croissance prévue pour 2021, passée de 5% à 3,8%.
De son côté, Mme Limam est revenue sur l’apport de l’industrie pharmaceutique locale en Tunisie. En effet, la Tunisie ne dispose pas des moyens nécessaires pour bénéficier de contrats de fabrication sous licence, à l’instar de l’Inde qui va produire des vaccins Astra Zeneca. Par contre, il nous est possible de faire le «full & finish», c’est à dire le remplissage, donc l’étape ultime avant la commercialisation. Dans ce sens, Sanofi a signé avec Pfizer mais ne pourra démarrer qu’au mois de juillet. En Tunisie, 3 opérateurs sont outillés et peuvent le faire, mais un peu plus tard dans le temps, probablement avec d’autres marques de vaccins actuellement en phase 3, et avec lesquels nous pourrions collaborer dans le cadre des études cliniques. On parle du 4ème trimestre 2021.
Enfin, Il est très probable que ce vaccin aille vers un rythme de vaccination annuelle, comme celui de la grippe, et donc à terme, à n’en pas douter, l’industrie pharmaceutique tunisienne aura un rôle dans la fabrication locale de ces vaccins.
Les vaccins Pfizer et Moderna sont les plus efficaces
M. Alioua est revenu sur les différents types de vaccins actuellement disponibles. A ce jour, on compte 3 technologies différentes. A base d’ARN (nouvelle technologie, donc beaucoup plus chère). C’est la technologie utilisée par les vaccins Pfizer et Moderna et qui donne une efficacité de l’ordre de 95%. A base d’ADN du corona : c’est la technologie utilisée par les vaccins Astra Zeneca et Sputnik et qui donne une efficacité de l’ordre de 62%. Et Inactivate virus : la technologie utilisée par les vaccins en Chine et en Inde, avec un coût très faible, mais une efficacité plus faible que la technologie ARN et qui est de l’ordre de 50%
M. Alioua est convaincu que la seule technologie efficace face aux différentes mutations du virus est celle de l’ARN avec un déploiement extrêmement rapide de l’ordre d’un mois. Il s’est déclaré très réticent par rapport au vaccin russe, Sputnik V, à cause du manque de données publiées. Il pense peu probable qu’il ait des autorisations de mise sur le marché de la part des pays européens. Selon lui, à ce jour, la technologie la plus efficace est celle basée sur l’ARN, et la Tunisie devrait clairement opter pour ces vaccins.
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