Tchicaya U Tam’si (1931-1988), l’enfant terrible des littératures africaines est une grande voix de la poésie du continent. Poète né au Congo Brazzaville, il a été journaliste et fut marqué par les luttes et l’assassinat de Patrice Lumumba qu’il rencontra en 1960.
De son vrai nom, Gérald Félix Tchicaya, son pseudonyme signifie en langue bantoue, «La feuille qui parle pour son pays». «Je me considère comme de la génération oubliée», me dit-il un jour, en pensant à L. S. Senghor et A. Césaire. Et pour cause, Tchicaya U Tam’si remettait en question l’attachement à la négritude.
Critique, révolté et homme en colère, d’abord contre les siens, Tchicaya rappelait que son nom désignait la complainte, en arabe. Il aimait séjourner à Asilah, au Maroc, où un Prix littéraire porte son nom. J’ai fait sa connaissance lors d’un voyage en Haïti en 1986. L’amitié scellée nous poussa à un dialogue exigeant «Maghreb-Afrique noire». Poète, romancier, dramaturge, il a été fonctionnaire international à l’Unesco. Il décède en Normandie, en 1988.
Ses œuvres complètes (vol I), parues sous le titre, ‘‘J’étais nu pour le premier baiser de ma mère’’, sont rééditées chez Gallimard (2013), grâce aux soins de son compatriote, le critique et universitaire, Boniface Mongo-Mboussa. Parmi ses œuvres (poésie), ‘‘Le Mauvais sang’’ (1955); ‘‘Feu de brousse’’ (1957); ‘‘Epitomé’’ (1962); ‘‘Le Ventre’’ (1964) (roman); ‘‘Les phalènes’’ (1984); ‘‘Ces fruits si doux de l’arbre à pain’’ (1987).
Tahar Bekri
J’ai donné ma tête contre un faux néant
Pour retrouver la large épopée des géants…
Je suis l’acier trempé, le feu des races neuves
Dans mon gros sang rouge écument troublants des fleuves
Des fleuves où végètent crûment des poisons
Monde grossièreté Astre gueule à jurons
Vois j’apporte plus d’un rêve humain dans mes mains
Il me faut l’espace et j’ai honte de la faim
Ma chair a rudement crié contre mes tempes
Des passions pailletées soleils flottants sans hampe
Mon destin écorché éclate au soleil
Il ne faut pas dormir je sonne les réveils
Au coin d’un ciel ô charognard temps malmeneur
Tu n’auras pas ma carcasse je sors vainqueur
Ma prunelle est d’acier mon rire est de fer
Mes mains ont tout détaillé j’ai fait le jour clair
J’ai disloqué les vents puisqu’il faut qu’on m’entende
Pour retrouver blessant les désirs qu’on ne vende
Je suis l’acier trempé, le feu des races neuves
Dans mon gros sang rouge écument troublants des fleuves
Extrait du recueil ‘‘Le Mauvais sang’’.
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