Les critiques d’Abir Moussi, présidente du Parti destourien libre (PDL) aux Américains et surtout aux démocrates, coupables à ses yeux d’avoir soutenu et de soutenir encore les Frères musulmans, dont les Tunisiens d’Ennahdha, exprimées publiquement hier, samedi 20 mars 2021, lors d’un meeting populaire à Sfax, à l’occasion de la célébration du 65e anniversaire de l’indépendance de la Tunisie, sont légitimes et justifiées. Mais sans fanfaronnades stériles et sans jouer la carte de l’anti-américanisme primaire. ** Vidéo.
Par Chedly Mamoghli
Les Américains – et surtout les démocrates – ont toujours soutenu les islamistes et ce, bien avant les printemps arabes. Ils ont toujours utilisé les Frères Musulmans comme carte pour faire pression sur les régimes autoritaires et les dictatures du monde arabe. Ils les ont toujours considérés comme des militants acharnés de la démocratie et de ce fait, des victimes persécutées par des autocrates arabes.
À titre d’exemple, lors du procès de Rached Kheriji (dit Ghannouchi) à la fin de l’ère Bourguiba, l’ambassadeur des États-Unis de l’époque a assisté au procès en s’asseyant au premier rang. Un soutien sans équivoque à Kheriji et un message on ne peut plus clair au régime. Et ça s’est prolongé sous Ben Ali; toutefois ils ont utilisé les Frères Musulmans comme carte pour faire pression sur les régimes en place bien plus avec Moubarak qu’avec Ben Ali, sans doute l’importance géopolitique de l’Égypte l’explique.
Le soutien des Américains aux islamistes est une réalité
Pendant et après les printemps arabes, le soutien aux islamistes s’est accentué surtout avec l’administration Barack Obama dont a fait partie l’actuel présent Joseph Biden; toutefois les plus grands soutiens aux Frères Musulmans au sein de cette administration furent la secrétaire d’Etat Hillary Clinton et Susan Rice (ambassadrice aux Nations unies puis conseillère à la sécurité nationale au sein de l’administration Obama et maintenant présidente du Domestic Policy Council au sein de l’administration Biden).
Par conséquent, les critiques d’Abir Moussi aux Américains et surtout aux démocrates, exprimées publiquement hier, samedi 20 mars 2021, lors d’un meeting populaire à Sfax, à l’occasion de la célébration du 65e anniversaire de l’indépendance de la Tunisie, sont légitimes et justifiées.
Cependant il ne faut pas tomber dans l’anti-américanisme primaire et caricatural car ce qu’elle a dit à Sfax n’était pas loin du «Tozz fi Amrica» (Au diable l’Amérique !) de Mouammar Kadhafi qui peut plaire aux foules mais n’avance en rien. D’ailleurs Abir Moussi qui se revendique dans la lignée de Habib Bourguiba doit savoir que ce dernier avait lancé à Kadhafi qui disait «Tozz fi Amrica» lors de son fameux discours à la salle Le Palmarium, à Tunis, en 1972, par «America taâtik triha» (L’Amérique te foutra une raclée). Et quelques jours avant la chute de son régime, en 2011, Kadhafi scandait, à la fin de l’un de ses brumeux discours, «Tozz marra thania fi Amrica w Britania» (il soupçonnait ces deux pays d’être les instigateurs de la révolte en Libye, Ndlr) et on connaît la suite macabre…
Il faut éviter de jouer la carte de l’anti-américanisme primaire
Donc il est légitime et justifié de critiquer tout gouvernement (aucun n’est sacré) mais sans fanfaronnades stériles et sans jouer la carte de l’anti-américanisme primaire.
À la fin, je voudrais conclure par l’inacceptable boycott de la fête de l’indépendance par le président de la république Kaïs Saïed. Un comportement complètement déplacé. Sinon les chefs des partis politiques qui sèchent comme Saïed la fête de l’indépendance ou se contentent d’un petit communiqué de routine alors qu’Abir Moussi descend sur le terrain et mobilise la rue, ne vous étonnez pas après qu’elle caracole en tête des sondages.
Les «politiciens» de salon, qui croient que le peuple va venir les porter sur ses épaules de leur bureau ou de leur chambre à coucher pour les porter au pouvoir, peuvent attendre.
* Juriste.
** Le titre et les intertitres sont de la rédaction.
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