Abir Moussi on l’aime ou on ne l’aime pas. Le débat semble ouvert et beaucoup essaient de la qualifier, sans souvent aligner de véritables arguments : trop de faux-semblants. La discussion en est faussée. On en oublie presque l’objectif essentiel : que la résistance ne se fait pas dans la dentelle des beaux quartiers.
Par Fathi Bchir
Doit-on se contenter d’émettre des réserves ou de montrer une certaine réticence à l’égard du leader de fait de l’opposition tunisienne, devenue accessoirement le porte-flambeau implicite du camp progressiste.
Certains entendent réduire la présidente du Parti destourien libre (PDL) juste à une sorte de bélier contre le mouvement islamiste. Mais n’est-ce pas là aujourd’hui le centre du problème? La secte (traduire : le parti islamiste Ennahdha, Ndlr) est devenue aujourd’hui le véritable verrou de tous les problèmes posés à la Tunisie depuis 10 ans, empêchant leur solution.
Je préfère entendre dire ce que sont les différences vraies, et ce qui manque au discours de Mme Moussi.
Moussi s’installe dans son rôle
Un, lui faire grief de son passé est absurde. Un, parce que c’est le passé et le principal acteur de cette période, Ben Ali, est mort et enterré. Il ne risque plus de faire du mal qu’aux asticots. Deux, compte tenu de son âge et de la position qu’elle a occupée au sein du RCD (ancien parti au pouvoir sus Ben Ali, Ndlr), on ne peut lui faire le procès de tout ce passé dont il faudra un jour établir le bilan réel. Et puis, les vrais RCD ne sont-ils pas ralliés à Ennahdha?
On reproche de façon insistante à Abir Moussi la question de son opposition à l’égalité dans l’héritage. J’ai, personnellement, pris le soin de bien vérifier ce qu’elle à dit à ce sujet. Et finalement, je me range à son avis. La Commission des libertés individuelles et de l’égalité (Colibe) n’était qu’une opération politicienne commandée par l’ex-président Béji Caïd Essebsi pour faire oublier la trahison de sa promesse aux femmes avant son élection. Et c’est un «bazar» trop compliqué juridiquement et fait sans concertation préalable. Et puis, elle a aussi raison: on ne peut pas décider d’une réforme qui soit imposée simplement par une élite de la belle banlieue sans que cela soit le fruit d’une évolution sociologique. Il faut d’abord mener une campagne pour convaincre la population et obtenir une adhésion civile avant de tout fixer dans une loi. Cela vaut aussi pour les autres questions de société : l’homosexualité, les liens hors mariage, etc. Il faudra, là aussi, d’abord convaincre l’opinion avant de légiférer. Et sans doute Moussi a-t-elle elle besoin de dresser un véritable projet si elle veut tout à fait installer son rôle de leader.
Un leader politique laissé solitaire à l’avant-garde du combat
Certains, très convenables – si j’ose dire – lui reprochent son «bruit». Il y a peut-être là du vrai ressenti. Mais peut-on dénier à un parti résistant, qui a besoin de l’excès pour bien marquer sa ferme opposition, de lever le ton jusqu’à tonitruer.
La question du culte de la personnalité : c’est une culture politique tunisienne et elle n’est pas seulement celle de Abir Moussi et des Destouriens. Il y aurait là quelque chose qui est à corriger. Cela se fera graduellement par la pression de la société civile. Il faut cependant d’abord en débattre, et dialoguer.
Peut-on honnêtement reprocher à un leader politique, laissé solitaire à l’avant-garde du combat, de vouloir se mettre en avant et d’ambitionner à diriger le mouvement, alors que tous les autres se dérobent lâchement face à l’obstacle général.
Il faut être juste et non pas mesquin. Parlons vrai et évitons de contribuer par la critique tout azimut à l’affaiblissement de la résistance de Mme Moussi et du PDL menée au nom de tous.
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