Hier, mercredi 31 mars 2021, le chef du gouvernement Hichem Mechichi a reçu une délégation composée de l’ambassadeur de Grande-Bretagne en Tunisie, Edward Oakden, de trois cadres de l’industrie pétrolière anglais et de Mehdi Ben Abdallah, président de la Chambre de commerce tuniso-britannique et ex-directeur général chez Shell et vice-président chez British Gas Group en Tunisie; ce qui n’a pas du tout plu à Imed Derouiche, patron de Petrofac Tunisie, autre filiale d’une société pétrolière britannique implantée en Tunisie et membre fondateur de Qalb Tounes.
Par Imed Bahri
«Après que Hich (Hichem Mechichi, Ndlr) ait reçu les voyous du pétrole, je ne le respecte plus et je ne le conseillerai plus», a écrit Imed Derouiche, hier soir, dans un poste publié sur page Facebook, nous apprenant au passage qu’il fait partie des hommes de l’ombre qui chuchotent dans l’oreille de… Hich.
Sur fond de guéguerre Qalb Tounes – Tahya Tounes
Le patron de Petrofac Tunisie est, rappelons-le, un grand ami de Nabil Karoui et membre fondateur de Qalb Tounes, principal soutien de la majorité parlementaire de Hichem Mechichi, avec le parti islamiste Ennahdha et la coalition Al-Karama.
Raison de la colère de «Ômda»? L’activité de la société pétrolière tuniso-britannique Anglo Tunisian Oil and Gaz (Atog) en Tunisie et la résolution de certains problèmes auxquels elle est confrontée, ont été est au centre de l’entretien, mercredi, entre le chef du gouvernement avec l’ambassadeur du Royaume-Uni à Tunis, en présence du PDG d’Atog, Jonathan Taylor, son directeur général James Berwick et Mehdi Ben Abdallah (le quatrième dans la rangée sur la photo avec les cheveux poivre et sel), en sa qualité de président de la Chambre de commerce tuniso-britannique, membre du bureau directeur de la Chambre de commerce arabo-britannique à Londres et de la Chambre de commerce américaine en Tunisie et ex-directeur général chez Shell et vice-président chez British Gas Group en Tunisie.
Tout cela n’explique pas la colère de «Ômda», même si on peut lire une certaine jalousie dans sa charge contre Mehdi Ben Abdallah. Ce qui explique peut-être cette colère, c’est que l’homme aux cheveux sel et poivre est aussi membre de Tahya Tounes, président de sa commission économique et ami de l’ancien chef de gouvernement Youssef Chahed, qui préside ce parti, et, surtout, poil à gratter et ennemi à abattre de tous les amis de Nabil Karoui.
Calcul et guerre d’influence dans la galaxie affairiste
D’ailleurs, à une personne qui lui a demandé la raison de son courroux contre Mechichi, Derouiche répond : «Il a reçu le ‘‘samsar’’ (l’entremetteur, Ndlr) de Chahed». Ce qui confirme que Imed Derouiche, qui est l’ami de Karoui, enrage que Mechichi ouvre la porte et reçoive l’ami de Chahed, qui plus est, a dirigé une société concurrente à Petrofac. Pour lui, un ami de Chahed ne doit pas avoir ses entrées auprès de «notre homme à la Kasbah», Mechichi en l’occurrence, soutenu principalement par Qalb Tounes.
On l’a compris : tout est calcul et guerre d’influence dans la galaxie affairiste de Qalb Tounes qui considère que son appui à Mechichi doit la favoriser et plomber les concurrents.
Rappelons que Qalb Tounes avait imposé et obtenu que Sofiane Ben Tounes, l’un de ses fondateurs, lui aussi proche de Nabil Karoui et haut cadre du secteur de l’énergie, devienne ministre de l’Energie dans le dernier remaniement. Mechichi l’avait nommé, avec dix autres ministres, et a obtenu le vote de confiance de l’Assemblée mais le président de la république Kaïs Saïed refusa la prestation de serment des nouveaux ministres, certains d’entre eux étant soupçonnés dans des affaires de conflit d’intérêt et de corruption, dont justement Sofiane Ben Tounes. Ceci explique cela…
Morale de l’histoire : quand elle se conjugue au «capitalisme compère», la démocratie devient le plus court chemin vers le népotisme et la dictature de l’argent.
On fera aussi remarquer en guise de conclusion que la grave crise du secteur de l’énergie en Tunisie, avec la menace de fermeture de plusieurs sociétés pétrolières, objet de la rencontre d’hier à la Kasbah, ne semble pas avoir suscité le moindre intérêt ou la moindre inquiétude chez Imed Derouiche : l’homme est entièrement obnubilé par ses magouilles politiques. Et du coup, on comprend pourquoi rien ne marche dans ce pays au bord de la banqueroute.
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