Sans jeu de mots déplacé, les médias en Tunisie ont une mauvaise presse. La profession a, il faut le reconnaître, joué avec son honneur et outrepassé sa déontologie. Elle n’aurait jamais dû se placer sur un ring politique où d’usage les règles sont absentes et les coups sous la ceinture se multiplient. Le jeu des ego a aussi affecté la profession tentée par le «star system».
Par Fathi Bchir *
Je comptais, tôt dans cette journée, ne pas étaler mon sentiment sur cette guerre des médias, je ne peux cependant résister car la vigueur de la campagne contre les médias me préoccupe. Elle me semble bien avancée. Et elle risque plutôt d’être contre-productive. Tout le monde perdra dans une rupture entre les médias et leur lectorat. Une crise de confiance.
Certes, le public ne se reconnaît plus dans son miroir jugé déformant.
Des médias ont, il est vrai, dans leur course en concurrence avec les réseaux sociaux, donné le La. Ils ont parfois, quelquefois, trop souvent, refaçonné l’actualité selon des lignes d’intérêt imperceptibles, mal perçues. Incompréhensibles.
L’incompréhension grandit.
Mon rôle n’est pas de jouer au sage ou à l’arbitre, et de départager. Que suis-je après tout ?
On ne peut toutefois que s’inquiéter en tant que citoyen de cette situation.
Force est de reconnaître que la corporation a commencé en se prêtant au jeu politique. En se faisant acteurs directs, les journalistes se retrouvent aujourd’hui, bon gré mal gré, en plein dans la mêlée. La profession a, il faut le reconnaître, joué avec son honneur et outrepassé sa déontologie. Elle n’aurait jamais dû se placer sur un ring politique où d’usage les règles sont absentes et les coups sous la ceinture se multiplient. Le jeu des égos a aussi affecté la profession tentée par le «star system».
Je comptais ne rien dire; finalement je dis malgré moi. Car je demeure soucieux. Un jeu dangereux est en train de se développer. En ciblant les journalistes, qu’ils soient vertueux ou manipulateurs prétendant jouer dans la cour des petits en se prétendant grands, c’est le jeu démocratique qui est menacé. L’impunité n’existe pas. Mais seul le temps, faiseur de réputations, rendra justice. On peut toutefois, dès l’instant, estimer que tout le monde est coupable. Et tout le monde sera le perdant.
Je ne condamne personne, je n’innocente personne; je ne suis ni sage ni arbitre; je ne suis rien après tout, simple spectateur d’une scène dont je suis étranger. Mais je suis inquiet. Convaincu que tout le monde y laissera des plumes. Seul danger : il est pour le pari démocratique. Là, en tant que citoyen, j’ai envie de tirer la sonnette d’alarme. Je n’ai plus rien à ajouter.
* Journaliste tunisien basé à Bruxelles.
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