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Et si on adoptait, en Tunisie, le statut de pharmacien correspondant ?

En France, après le médecin traitant, on a désormais le pharmacien correspondant. En Tunisie, les pharmaciens sont compétents scientifiquement et leurs compétences sont basées sur des connaissances solides. Ils sont donc capables d’assumer aussi ce rôle d’aiguilleurs.

Par Pr Ridha Hamdane *

La mission du pharmacien correspondant

Le statut du pharmacien correspondant a été officialisé par un décret paru au journal officiel français en date du 30 mai 2021 (Décret n0 2021-685 du 28 mai 2021 relatif au pharmacien correspondant). Ce décret est paru 12 ans après l’adoption de la mesure législative y afférente. Il dit ceci : «Le patient peut désigner auprès de l’assurance maladie un pharmacien correspondant participant au même exercice coordonné au sein des dispositifs mentionnés par la loi que le médecin traitant du patient, avec l’accord du pharmacien.

«Le pharmacien correspondant peut renouveler périodiquement des traitements chroniques et ajuster, si besoin, leur posologie à condition que le projet de santé de ce nouveau dispositif auquel participent le pharmacien correspondant et le médecin traitant définit les modalités d’information du médecin, notamment en cas d’ajustement de la posologie.

«La prescription médicale comporte une mention autorisant le renouvellement par le pharmacien correspondant de tout ou partie des traitements prescrits ainsi que, le cas échéant, une mention autorisant l’ajustement de posologie de tout ou partie des traitements.

«L’officine dispose de locaux avec une isolation phonique et visuelle permettant un accueil individualisé des patients.

«La durée totale de la prescription et de l’ensemble des renouvellements réalisés par le pharmacien correspondant ne peut excéder douze mois.

«Le ministre en charge de la santé peut fixer par arrêté, pour des motifs de santé publique, une liste des traitements non éligibles à ce nouveau dispositif

«Le pharmacien fait mention sur l’ordonnance du renouvellement et, le cas échéant, de l’adaptation de posologie réalisée.»

De moins en moins commerçants et de plus en plus soignants

À noter que là où avoir un médecin traitant est obligatoire depuis 2004, les Français seront libres de désigner ou non un pharmacien correspondant.

Cet élargissement des pouvoirs des pharmaciens représente une bonne nouvelle aux yeux de la profession qui juge que cela «consolide l’intégration du pharmacien dans le parcours de soins». Ces professionnels de santé deviennent donc «de moins en moins commerçants et de plus en plus soignant».

Mais le décret ne plaît pas à tous les médecins dont les responsables syndicaux estiment que les pharmaciens correspondants ne devraient pas pouvoir modifier la posologie que sur accord du médecin d’un patient. Ils jugent «qu’adapter une posologie est une décision médicale, en ayant à l’esprit que chacun a un cœur de métier qui doit être respecté. Le pharmacien n’est pas celui qui prescrit.»

Contrairement au choix du médecin traitant, obligatoire sous peine d’être moins bien remboursé par l’assurance-maladie, le dispositif de pharmacien correspondant ne sera pas obligatoire pour les patients.

Les médecins attachés à leur statut d’uniques prescripteurs

Pour les médecins, des modifications trop importantes de la posologie ou des renouvellements sans avis médical pourraient s’avérer risqués. «Qui va prendre la responsabilité d’une complication liée au médicament prescrit par le médecin, et renouvelé de façon excessive par le pharmacien ?».

Le professeur Jacques Buxereau, rédacteur en chef de la revue ‘‘Les actualités pharmaceutiques’’, écrit à ce propos : «Notre métier évolue favorablement avec ce décret relatif au pharmacien correspondant. Une excellente nouvelle ! Les patients vont y gagner et les relations médecin/pharmacien vont se renforcer. Un bel avenir et un beau métier attractif se profilent pour nos étudiants !»

Ces dernières années, les pharmaciens en France peuvent déjà vacciner contre la grippe (ce que nous faisons depuis longtemps en Tunisie et les autorités compétentes et les citoyens n’en sont que satisfaits), faire des tests antigéniques ou des bilans de médication.

Pour protester contre le rôle des pharmaciens correspondants, officialisé par ce décret publié le 30 mai, le Syndicat des médecins libéraux appelle tous les médecins à inscrire systématiquement la mention «ordonnance non modifiable» sur leurs prescriptions. 

Pour les pharmaciens, ce décret a pour objectif de faire reconnaître l’expertise du pharmacien dans le domaine de la pharmacie clinique, discipline enseignée en Tunisie depuis fort longtemps pour une meilleure prise en charge du malade en parfaite collaboration avec les médecins traitants.

* Professeur en pharmacie.

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