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A propos d’une cérémonie à Monastir pour fêter le port de voile par des fillettes

L’embrigadement des enfants s’inscrit dans un agenda clairement politiques (photo d’archive).

La cérémonie organisée pour fêter en grandes pompes le port du voile par quelques fillettes à Monastir n’est pas passée inaperçue et ne le doit pas. L’acte est loin d’être anodin et illustre cette lame de fond d’«islamisation» d’une société tunisienne pas assez musulmane selon les standards fondamentalistes que veulent imposer les dirigeants du parti Ennahdha et leurs acolytes.    

Par Raouf Chatty *

De nombreux citoyens se sont saisis de l’affaire sur les réseaux sociaux pour exprimer leur mécontentement et dénoncer un acte malencontreux voire dangereux. Ils ont déploré le fait que cet acte ait pu se produire dans un pays qui s’est prononcé depuis plus de soixante ans sur le caractère civil de l’Etat et la modernité sociale et qui fut le premier dans le monde arabo-musulman à promulguer, au lendemain de son indépendance en 1956, un Code du statut personnel très progressiste proclamant les droits fondamentaux de la femme universellement reconnus…

Ces filles sacrifiées au nom de la religion

Même s’il paraît innocent pour ses auteurs pouvant se réclamer de la liberté de conscience et du culte, cet acte pourrait avoir des répercussions sur l’espace public, car il pourrait créer des émules… et imposer des comportements fondamentalistes religieux à des enfants incapables de discernement. La suite, on l’a connaît et on n’a pas cessé d’en subir les conséquences sous formes d’enrôlements en masse dans les groupes jihadistes, y compris pour les filles, utilisées pour le fameux «jihad nikah», ou prostitution halal. Beaucoup d’entre elles, envoyées sur les fronts du jihad, en Libye, en Syrie et en Irak, sous le règne d’Ennahdha et avec sa bénédiction, sont mortes loin de leurs familles ou leur sont revenues avec une ribambelle de gamins orphelins sur les bras.  

Même s’ils sont aujourd’hui contrôlés par le parti islamiste Ennahdha, au pouvoir depuis 2011, avec les résultats catastrophiques que l’on sait, les pouvoirs publics qui ont pour responsabilité de faire respecter la Constitution, les lois du pays et la Convention internationale des droits de l’enfant ratifiée par l’Etat tunisien doivent  se manifester très vite pour interdire clairement et même sanctionner de pareilles actions dont la portée politiquement provocatrice n’échappe à personne.

Le ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfance et le Commissaire à la protection de l’enfance doivent réagir pour protéger les fillettes embrigadées et les préserver de l’endoctrinement et de l’abus d’autorité pratiqué sur elles par leurs propres familles, elles-mêmes, on l’imagine, embrigadées par les groupes fondamentalistes infestant le pays et bénéficiant du soutien complaisant de Rached Ghannouchi et de ses «Frères musulmans».

L’Etat doit garantir l’intégrité des enfants

Le parquet, s’il est réellement indépendant comme on le prétend, est censé également prendre les mesures appropriées pour que cela ne se reproduise plus et ne fasse pas tache d’huile. Car, en laissant faire quelques énergumènes extrémistes religieux, les pouvoirs publics ne rendant pas service à ces fillettes, alors qu’ils sont censés les sauver de l’endoctrinement de quelque nature qu’il soit et d’où qu’il émane, garantir l’intégrité physique et morale des enfants et préserver ainsi la société dans son ensemble et les générations futures de cette vague pernicieuse d’«islamisation rampante».

Il va sans dire que ces pratiques extrémistes desservent l’islam véritable pratiqué depuis quinze siècles en Tunisie, pays musulman s’il en est, de manière modérée, apaisée et sereine. Et que cette «islamisation rampante», s’inscrivant dans un agenda politique évident, qui œuvre sournoisement pour changer la nature profonde de notre société, est tout simplement vouée à l’échec dans un pays ouvert et fortement ancré dans la modernité.

* Ancien ambassadeur.

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