La santé de l’économie ou la santé du citoyen, le choix ne devrait pas être difficile. La pandémie de Covid-19 a donné lieu en Tunisie à deux prises de parole incessantes dans l’espace public : celle du médecin et celle du politicien. Comment sauver des vies ? Comment sauver l’économie ? Pourtant, les exemples des conséquences dramatiques d’une telle concurrence sont nombreux.
Par Kaissar Sassi *
Le déferlement de la deuxième vague d’infections aux Etats-Unis en juillet 2020, provoquant une situation chaotique dans le pays, montre que cette rivalité dans la prise de décision est très dangereuse. La priorité au fond irrationnelle, donnée à la relance de l’économie sur la précaution sanitaire par le président Trump a coûté des dizaines de milliers de vies humaines en pure perte, puisque bien entendu l’économie a été immédiatement paralysée de nouveau.
De l’autre côté de la planète, la cheffe du gouvernement de la Nouvelle-Zélande, Jacinda Ardern disait dans un discours : nous n’avons jamais dévié de la position consistant à considérer que la meilleure réponse économique était une réponse sanitaire forte.
Un faux dilemme entre santé et économie
En Tunisie, la naissance d’un faux dilemme entre santé et économie a provoqué une situation de détresse dans tout le pays. Alors qu’au mois de juin 2020, nous étions félicités par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour notre entame de la gestion épidémique, aujourd’hui la Tunisie est dans le top 15 mondial en termes d’indicateurs épidémiologiques alarmant. Et pourtant, nos gouverneurs n’ont toujours pas saisi que le choix face à la pandémie est entre l’hécatombe sanitaire et la dépression économique. Fuir les mesures qui lèsent l’économie quand c’est nécessaire équivaut à des décès par milliers et une paralysie de l’économie qui s’en suit inévitablement.
Une autre subtilité échappe toujours à nos gouverneurs, c’est celle de vouloir préserver coûte que coûte le tourisme.
Depuis l’apparition de nouveaux variants du coronavirus, l’OMS a émis des nouvelles définitions où elle y classe ces nouveaux variants de variants préoccupants. Ces nouveaux virus doivent être plus transmissibles ou plus virulents ou plus résistants aux vaccins. De suite, une nouvelle classification des pays est apparue classant ces derniers selon plusieurs facteurs notamment la présence de ces variants préoccupants.
En Tunisie, il y a eu découverte du variant Delta, le plus redouté actuellement, et de ce fait, pays après pays vont nous classer comme pays à haut risque comme l’ont déjà fait le Royaume Uni et la Belgique cette semaine et les touristes tant attendus changeront de destination.
Rajoutons à cela une campagne de vaccination médiocre, puisque nous avons commis la faute de ne compter que sur le dispositif Covax. Il y a moins d’une année, ce dispositif était perçu comme une révolution dans l’histoire de l’humanité, il allait permettre une équité dans la campagne de la vaccination des humains face au virus Covid-19. Son objectif était de garantir un approvisionnement mondial équitable des vaccins et de les fournir à tous les pays du monde, notamment les pays pauvres.
Pour sauver l’économie, il faut d’abord sauver les gens
Malheureusement, cette vision a rapidement échoué face à la réalité. Elle a même eu un effet inverse puisque des dizaines des pays africains sont toujours dans l’attente passive, à titre d’exemple la Tunisie qui connaît aujourd’hui une forte propagation du virus.
Seulement 4% de la population tunisienne est vaccinée aujourd’hui. Monsieur le chef du gouvernement Hichem Mechichi, fermons le pays pour trois semaines avec un confinement général drastique, donnons un temps de répit aux personnels soignants et aux capacités hospitalières et dépensons 100 millions de dollars pour l’achat de vaccins à ARN messager. La société civile, les hommes d’affaires, les lobbies participeront dans cette cagnotte qui permettra la vaccination complète de 4 millions de Tunisiens et la relance de l’économie et du tourisme dans 45 jours. Vous perdez un temps précieux en cherchant une autre solution.
* Anesthésiste-réanimateur.
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