On entend beaucoup de personnes oser le raccourci facile, fallacieux et très superficiel «Abir Moussi est la Marine Le Pen de la Tunisie». Dernier en date, le député Hichem Ajbouni, qui vient de le déclarer sur les ondes de Shems FM. C’est archi-faux, Abir Moussi n’est pas Marine Le Pen et Marine Le Pen n’est pas Abir Moussi. L’affirmer, c’est faire preuve d’inculture politique.
Par Chedly Mamoghli *
D’abord, les deux femmes politiques viennent de familles politiques totalement et radicalement différentes, deux familles politiques qui n’ont pas les mêmes gènes.
Marine est l’héritière de l’extrême droite française dont les origines ne remontent pas au FN fondé par son père mais à un temps plus lointain à savoir celui de l’Action française (principal mouvement d’extrême droite sous la Troisième République), une extrême droite maurrassienne (par référence à Charles Maurras, figure de proue de l’Action française) profondément antisémite car l’extrême droite avant l’anti-immigration était dans l’antisémitisme.
C’est cette extrême-droite qui a évolué plus tard avec Tixier-Vignancour puis Jean-Marie Le Pen à laquelle appartient celle que ses partisans surnomment la Marine. Au-delà des révisons qu’elle a entreprises à la tête de son parti, le Rassemblement national (RN), elle demeure l’héritière de cette famille politique foncièrement anti-gaulliste et qui n’a jamais exercé le pouvoir.
Les Destouriens ont milité pour l’établissement d’un État civil moderne
Quant à la présidente du Parti destourien libre (PDL), elle appartient à la famille politique la plus ancienne de Tunisie, le Destour qui n’a rien à voir avec l’extrême-droite ni avec l’antisémitisme ni avec la thématique anti-immigration. Les Destouriens, longtemps présidés par Habib Bourguiba, sont des patriotes qui ont milité pour l’indépendance de la Tunisie et l’établissement d’un État civil et moderne. Rien à voir avec l’extrême-droite française dont Mme Le Pen en est l’héritière. Et même si après l’indépendance avec le PSD puis le RCD, la famille destourienne a gouverné avec des régimes autoritaires, on ne peut les associer avec l’extrême droite, c’est de la démagogie et de l’inculture politique. D’ailleurs le RCD était membre de l’Internationale socialiste jusqu’à la chute du régime de Zine El Abidine Ben Ali en 2011!
Donc que l’on apprécie ou pas les Destouriens, ils n’ont rien à voir avec l’extrême droite. Ensuite les Destouriens ont été au pouvoir et leurs partis successifs ont déjà été des partis de gouvernement, contrairement à ceux de l’extrême droite française.
Par conséquent, ce raccourci facile, fallacieux et foireux entre Le Pen et Moussi ne tient pas. Les deux femmes viennent de deux planètes différentes. Alors pourquoi les associer? Pourquoi s’entêter bêtement à dire que Abir Moussi est la Marine Le Pen tunisienne? Parce que toutes les deux sont des femmes et avec un caractère bien trempé? C’est du n’importe quoi.
Un raccourci facile, fallacieux et foireux, qui dénote une inculture politique
Qu’on arrête donc ce raccourci démagogique. On peut l’apprécier ou pas, trouver qu’elle est dans l’excès ou pas mais elle n’est pas la Marine le Pen tunisienne.
Hichem Ajbouni et tous ceux qui s’adonnent à ce raccourci qui ne tient pas, disent donc n’importe quoi. Et l’extrême droite aujourd’hui en Tunisie est du côté des islamistes en l’occurrence les faucons d’Ennahdha et surtout de la Coalition Al-Karama mais sûrement pas du côté des Destouriens. Suivez les thématiques, le discours et les actions dont la principale caractéristique est la violence et vous verrez qui incarne aujourd’hui l’extrême droite en Tunisie.
* Juriste.
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