L’UGTT a toujours joué, depuis sa création en 1948, un rôle déterminant dans les moments cruciaux de l’histoire de la Tunisie. Elle est appelée à le faire de nouveau après l’annonce, le 25 juillet 2021, des mesures exceptionnelles par le président Kaïs Saïed. Le but étant d’éviter que l’état d’exception et le vide institutionnel ne se prolongent et ne débouche sur une dérive autoritaire au détriment des aspirations démocratiques et sociales du peuple tunisien.
Par Mohamed-Chérif Ferjani *
L’Union générale tunisienne du travail (UGTT) a toujours joué un rôle décisif dans les moments critiques de l’histoire contemporaine de la Tunisie :la veille de l’indépendance en prenant la direction du mouvement de libération nationale lorsque sa direction politique fut décapitée par l’administration coloniale au début des années 1950;
– au début de la décolonisation en assumant ses responsabilités dans la construction de l’Etat national;
– à la fin des années 1960 et 1970 pour faire face à la dérive autoritaire du régime de Bourguiba;
– pendant la révolution de 2010-2011 pour contribuer à la réussite du soulèvement populaire qui mit fin à la dictature de Ben Ali;
– en 2013 pour imposer le dialogue national et mettre fin aux louvoiements de l’Assemblée nationale constituante (ANC) et de la «Troïka», la coalition gouvernementale dominée par Ennahdha;
– en 2020 avec la proposition d’un dialogue national pour sortir le pays de l’impasse à laquelle a conduit l’irresponsabilité des coalitions parlementaires majoritaires transformant les pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires en bouclier pour protéger les responsables de la corruption, du terrorisme et des crimes contre l’Etat et le pays;
– après les décisions du chef de l’Etat faisant suite au soulèvement de la jeunesse et desréunir les forces sociales et politiques attachées à la démocratie
Réunir les forces attachées à la démocratie
A environ deux semaines de ce nouveau tournant dans la processus de la transition bloqué par les islamistes et leurs allés successifs depuis près de 10 ans, l’UGTT demeure la seule force capable de réunir les forces sociales et politiques attachées à la démocratie et aux objectifs de la révolution de la liberté et de la dignité pour exiger un agenda clair et la réalisation des promesses données par le chef de l’Etat aux représentants des corps constitués et des organisations nationales et de la société civile.
La centrale syndicale doit relancer son initiative d’un dialogue national réunissant ces forces sur la base des objectifs suivants :
– la consolidation de l’indépendance du pays loin de toute forme de dépendance aux axes régionaux et internationaux;
– des mesures efficaces pour faire face aux urgences économiques, sociales et sanitaires,
– la sortie rapide de l’état d’exception pour permettre au pays de retrouver au plus vite la voie de la transition démocratique bloquée par toutes les coalitions au pouvoir depuis le 23 octobre 2011;
– la poursuite des procédures judiciaires engagées contre tous les responsables de la corruption, des assassinats politiques, des crimes terroristes commis par des tunisiens dans le pays ou à l’étranger, et ce dans le respect de la loi, du droit de la défense et des droits des personnes impliquées à un procès juste et équitable;
– le respect des libertés et des droits humains contre toute tentation autoritaire;
– l’organisation dans les plus brefs délais d’élections véritablement démocratiques, sur la base d’une nouvelle loi électorale et d’une révision de la constitution pour sortir le pays de l’impasse institutionnelle dans laquelle il s’est enlisé depuis 2014.
Eviter la prolongation de l’état d’exception
L’organisation d’un tel dialogue est le seul moyen d’éviter que l’état d’exception et le vide institutionnel ne se prolongent et ne débouche sur une dérive autoritaire au détriment des aspirations démocratiques et sociales qui ont porté la révolution contre la dictature de Ben Ali et qui ont permis la résistance au projet islam. C’est aussi le seul moyen de fermer la porte aux pressions étrangères pour imposer un nouveau compromis contraire à ces aspirations.
* Professeur honoraire à l’Université de Lyon 2, président du Haut conseil scientifique de Timbuktu Institute, African center for peace studies.
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