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Tunisie : la société civile se trompe sur son rôle

Des représentants de la société civile tunisienne chez l’ambassadeur des Etats-Unis à Tunis.

Les activistes de la société civile tunisienne qui se sont rendus depuis deux jours à l’ambassade des États-Unis d’Amérique à Tunis pour discuter des affaires intérieures de la Tunisie avec l’ambassadeur américain et ses collaborateurs ont commis un affront au peuple tunisien. Il est très regrettable de voir l’écrivain Youssef Seddik s’associer à cette action.

Par Raouf Chatty *

En répondant oui à l’invitation de l’ambassadeur (réunion d’ailleurs mise en ligne sur le réseau social), ils se sont accommodés du fait que son pays s’ingère ouvertement dans les affaires d’un pays souverain, fait peu de cas du peuple tunisien, ignoré de façon superbe que ce peuple est descendu en masse dans la rue, le 25 juillet 2021, dans toutes les villes de la république, pour soutenir les décisions historiques annoncées solennellement par le président de la république, notamment celles relatives au gel des activités du parlement, au limogeage du chef du gouvernement, à la levée de l’immunité parlementaire des députés et à la relance du combat contre la corruption.

La société civile apporte de l’eau au moulin du parti Ennahdha

En procédant ainsi, ils font pis que le parti islamiste Ennahdha qui a mené récemment une campagne de lobbying aux États-Unis pour accréditer l’idée que le Président de la république a commis un coup d’Etat contre la constitution et la démocratie. Ils auraient pu discuter de la question avec le président de la république lui-même, d’autant que ce dernier a maintenu le contact avec la société civile.

De tels actes sont souvent contre productifs. Ils rappellent les contacts discrets établis par des membres de l’opposition tunisienne du temps de l’ancien régime auprès des ambassades des pays occidentaux à Tunis, actes rapportés dans les messages du Département d’État américain publiés en décembre 2010 par le réseau Wikileaks…

Par cet acte, ces activistes transmettent aux pays occidentaux un message hâtif et injuste sur l’évolution de la situation en Tunisie, en particulier celle de la démocratie, des droits de l’homme et des libertés publiques. Ils accréditent les thèses développées par le parti islamiste qui cherche à conserver à tout prix une place sur l’échiquier politique, en dépit de ses déboires innombrables dans la gestion des affaires publiques depuis dix ans.

Ils pourraient conduire l’Union européenne et les grands pays à changer d’attitude et à prendre une position hostile à la Tunisie, au moment où le pays a grand besoin de leur soutien pour relever les défis sécuritaires, économiques, financiers et réussir sa lutte contre les fléaux du Covid-19 et de la corruption.

Le recours maladroit aux instances internationales

Par ailleurs, les Tunisiens qui saisissent en ce moment les instances internationales, comme Me Chawki Tabib, ancien président de l’Inlucc, au motif que leurs droits et libertés ont été violés démontrent le peu de crédit qu’ils accordent aux institutions tunisiennes, notamment au pouvoir judiciaire. Ils doivent savoir que ces instances internationales ne pourront pas se prononcer sur leurs requêtes aussi longtemps que toutes les voies de recours judiciaires en Tunisie n’ont pas été épuisées.

Le président de la république doit agir vite pour honorer ses promesses, répondre aux attentes légitimes du peuple… Tout retard desservira ses projets légitimes, redonnera vigueur à ses détracteurs, notamment ceux du parti islamiste Ennahdha, qui continuent de souffler le chaud et le froid, en fonction de l’évolution des circonstances..

En agissant rapidement, il épargnera à la Tunisie de se voir à tort ou à raison sur la sellette des institutions européennes et internationales qui commencent à s’inquiéter de l’évolution du processus  démocratique en Tunisie et du sort des droits de l’homme et libertés fondamentales dans le pays.

La diplomatie tunisienne doit aujourd’hui agir vite pour mettre à nu les campagnes qui vont  immanquablement se multiplier contre la Tunisie, sous prétexte que les droits de l’homme et les libertés fondamentales pourraient y être sérieusement menacés.

La Tunisie est actuellement dans le radar des grandes puissances. Et il faut s’attendre à ce que celles-ci accentuent leurs pressions sur le gouvernement tunisien aussi longtemps que le pays ne retrouvera pas sa voie vers la stabilité, d’autant plus que la situation dans la sous-région  maghrébine devient de plus en plus préoccupante.

Il est donc très urgent de les rassurer par des actions concrètes à l’intérieur, accompagnées d’explications objectives, lucides et sereines à l’extérieur. La diplomatie doit donc agir sans tarder…

* Ancien ambassadeur.

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