L’auteure propose dans cet article une feuille de route pour que le président Kaïs Saïed rassure autant la population tunisienne que les partenaires étrangers de la Tunisie. «Feuille de route», mot que ne semble pas affectionner le locataire du palais de Carthage, qui pourrait être qualifiée de plan de travail en neuf points, comme suit...
Par Sémia Zouari *
Kaïs Saïed doit rapidement diligenter la concrétisation d’actions décisives car, malgré toute sa bonne volonté et son intégrité sans failles, il ne pourra pas, à lui seul, et avec son équipe trop réduite et en manque de multi-disciplinarité, relever tous les défis d’un pays empêtré dans une grave crise économique, politique et morale.
1 – Il doit d’abord nommer un bon Premier ministre qui soit un économiste patenté capable de remettre le pays sur pied, de relancer l’économie, de négocier avec les bailleurs de fonds, de rassurer les opérateurs économiques nationaux et étrangers. De préférence un responsable ayant des diplômes solides.
2- Il doit ensuite constituer une commission de juristes chargée d’amender la Constitution dans un délai de deux mois maximum.
3- Mais aussi nommer une commission chargée d’amender la loi électorale et la loi sur les partis politiques dans un délai de deux mois. Ces amendements doivent se faire dans le sens :
– de la moralisation des élus qui doivent avoir un B3 vierge;
– de l’abandon du système de proportionnelle au plus fort reste;
– de l’adoption d’un scrutin de vote parlementaire majoritaire à deux tours;
– du respect strict du financement des campagnes électorales et de l’interdiction de financement étranger avec contrôle strict, avant et après les mandats, du patrimoine des élus et des membres de leur famille;
– de la non représentativité des partis fantoches et des micro-partis (moins de 5% des voix) non éligibles à la députation en instaurant des critères de représentativité effective;
– de l’interdiction de l’instrumentalisation de la religion, par aucun parti politique, ainsi que de l’incitation à la haine religieuse ou raciale, notamment dans les prêches religieux des mosquées;
– de la suppression de l’immunité parlementaire car un député doit être exemplaire et respectueux de la loi, et en cas de mise en examen, un élu doit démissionner;
– de la possibilité d’exclure un élu (député, maire…) par mécanisme de pétition contrôlée (minimum 500 000 personnes) lorsque la population revendique son droit à la démocratie directe pour exclure un élu indigne, à l’instar de ceux qui ont sévi au sein de l’Assemblée, en toute impunité;
– de la limite d’âge à définir pour l’accès à la fonction de président de la république et pour la députation.
4- Le président doit également engager une opération de nettoyage du ministère de la Justice, département sans lequel ne pourront se faire ni la lutte contre la corruption ni la mise en examen des responsables des assassinats politiques et des détournements des biens publics – ceux que le président stigmatise doivent être immédiatement mis en examen –; recruter de nouveaux magistrats; mettre en œuvre la modernisation de la justice avec l’appui de la coopération internationale (notamment le Programme de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (Cepej) lancé avec le Conseil de l’Europe); solliciter le concours de magistrats européens spécialisés dans la lutte contre les fraudes économiques et financières; et accélérer l’adhésion de la Tunisie au Groupe d’États contre la corruption (Greco).
5- Le chef de l’Etat doit, par ailleurs, organiser un référendum pour avaliser l’adhésion populaire aux réformes engagées concernant la Constitution et la transformation du régime politique parlementaire en régime présidentiel.
6- Et fixer la date pour des élections législatives anticipées car l’ARP ne pourra plus jamais prétendre représenter le peuple tunisien.
7- Dans la foulée, une Commission électorale nationale indépendante sera nommée et chargée de superviser les élections, l’actuelle Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) étant totalement disqualifiée pour ses accointances politiciennes.
8- Avec les interlocuteurs étrangers, Kaïs Saïed doit rester ferme sur la fin du rôle de l’islam politique et de ses représentants qui font l’objet d’un rejet unanime du peuple tunisien, non disposé à se laisser sacrifier et «talibaniser» au service des visées néo-impérialistes menées de connivence avec les Frères musulmans.
9- Enfin, le chef de l’Etat doit créer son propre parti politique pour asseoir son incontestable légitimité populaire et orienter le vote des Tunisiens vers ce parti dont les orientations politiques doivent être clairement définies noir sur blanc pour rassurer les électeurs.
A bon entendeur…
* Diplomate.
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