Qui ne se souvient des Hommes du Président, film américain, adaptation d’un livre écrit par deux journalistes du Washington Post, retraçant le scandale du Watergate et débutant par une scène de «plombiers» surpris en pleine activité nocturne au sein d’un immeuble du parti démocrate?
Par Faiek Henablia *
Que l’on se rassure, les hommes du président dont il sera ici question ne sont certes pas répréhensibles d’activité illégale d’espionnage au profit du chef de l’État, mais n’en agissent pas moins pour ce dernier, de manière sournoise, évidemment non pas pour accéder, de manière illicite, à des documents jugés intéressants, mais pour manipuler et influencer l’opinion au profit de leur patron ou, plus exactement, de leur favori.
Un étrange «parti de Kais Saïed»
Il s’agit des sondeurs d’opinion, dont le métier consiste précisément à prendre le pouls de l’électorat afin de connaître ses intentions de vote.
La technique est pourtant simple qui consiste à interroger un échantillon représentatif de la population enfin de connaître ses intentions de vote parmi les différents partis opérant sur la scène politique.
Or à quoi assistons-nous en l’occurrence? Tout simplement à l’introduction, au sein de l’univers des partis réels, d’un étrange «parti de Kais Saïed» totalement fictif et issu, en droite ligne, de l’imagination des sondeurs; autrement dit, l’on demande, sans vergogne, aux gens de faire leur choix à partir d’une liste contenant des partis réels et un autre virtuel.
Outre les questions déontologiques posées par une telle démarche, il est permis de se poser celle de son objectif à propos duquel l’on ne peut résister à un soupçon de tentative de manipulation et d’orientation de l’opinion, dont on devine bien le bénéficiaire potentiel; des sondeurs au service du président?
L’imagination débordante des sondeurs
Que ceci rejaillisse sur l’honnêteté des sondage et, donc, sur leur crédibilité est un fait; mais le plus cocasse est que la conclusion logique de cette entreprise va à l’encontre de l’objectif, peut-être poursuivi par le sondeur, à savoir montrer que le «parti de Kais Saïed» est en tête; car il est bien évident qu’il faut affiner la lecture des résultats en distinguant entre partis politiques réels, parmi lesquels le Parti destourien libre (PDL) se taille manifestement la part du lion, et partis politiques fictifs, parmi lesquels le «parti de Kais Saïed» gagne haut la main, encore que son score serait peut être affecté si l’imagination débordante des sondeurs nous pondait un «parti monarchiste» ou un «parti beylical» par exemple.
Il serait intéressant de voir ce que pensent les grands opérateurs mondiaux de l’industrie des sondages, de cette innovation tunisienne consistant à prendre une photographie à un instant t, non plus du seul réel mais du réel teinté de fictif.
* Gérant de portefeuille associé.
Articles du même auteur dans Kapitalis :
La doctrine «Woke» et l’islamo-gauchisme à la sauce tunisienne
La Tunisie bientôt mise sous tutelle?
Tunisie : Le pouvoir bascule-t-il de Carthage au Bardo ?
Donnez votre avis