La transformation digitale est un objectif plutôt nouveau pour les entreprises, mais c’est aussi un concept source de beaucoup de confusion et d’«illusion», et cela entraîne forcément des répercussions néfastes. C’est ce qu’a affirmé Dorsaf Bejaoui, directrice centrale de la transformation du capital humain de Tunisie Telecom, lors de son allocution à un forum organisé par l’École nationale supérieure d’ingénieurs de Tunis (Ensit), mercredi 25 novembre 2021, à la Cité de la culture, à Tunis.
Par Cherif Ben Younès
Pour illustrer les conséquences négatives entraînées par «l’illusion de la transformation digitale», Mme Bejaoui a présenté les résultats d’une étude réalisée en 2020 par Standard & Poor’s (S&P) sur les entreprises américaines les plus influentes, et selon laquelle la durée de vie de ces sociétés ne cesse de baisser.
«En 1960, l’âge moyen d’une entreprise était de 60 ans. En 1980, il est tombé à 35 ans. En 2000, l’âge moyen est passé à 25 ans. Et aujourd’hui, il n’est que de 20 ans !», a-t-elle révélé.
Uber, Amazon, Netflix et Airbnb… Des exemples à suivre
Certes la Covid-19 est passée par là, mais cette détérioration de la durée de vie s’explique surtout par les innovations perturbatrices dont les managers et les leaders ne se rendent pas compte, selon la conférencière.
C’est notamment le cas de l’entreprise américaine Kodak, autrefois pionnière dans le domaine de la photographie, du cinéma, de la bande magnétique, de la radiologie, ou encore de l’impression numérique, et qui a disparu aujourd’hui des radars n’ayant pas anticipé les transformations technologiques majeures qui ont eu lieu ces dernières années dans les domaines mentionnés.
Par ailleurs, l’une des principales sources d’échec des projets de transformation digitale, selon la responsable de Tunisie Telecom, est la négligence du facteur humain par les dirigeants, d’où la nécessité de sensibiliser les gestionnaires des entreprises à l’importance d’accorder plus d’attention à cet aspect dans le cadre du processus de la digitalisation.
Mais il n’y a pas que ça. L’échec émane également très souvent de… l’incompréhension. Les gestionnaires confondent, en effet, très souvent, selon Mme Bejaoui, «changement» et «transformation» dans le contexte digital .
Dans ce cadre, elle a tenu à expliquer clairement la différence entre deux concepts, faisant même de cette clarification l’objet central de sa présentation.
«Le changement consiste à créer une nouvelle version du passé, alors que la transformation est une rupture avec le passé et la création d’un nouveau futur», a développé la responsable, donnant quelques exemples très connues d’entreprises internationales ayant parfaitement réussi le pari de la transformation digitale.
C’est notamment le cas d’Uber, dans le domaine du transport, d’Amazone dans le commerce, de Netflix dans le secteur cinématographique, ou encore d’Airbnb, qui a révolutionné la location de logements temporaires. Ce sont par dessus tout «des entreprises qui ont opté pour des business models innovants et perturbateurs, faisant totalement changer le visage du marché», a affirmé la directrice au sein de Tunisie Telecom.
«L’illusion de la transformation digitale»… Un gros facteur d’échec
D’autre part, Mme Bejaoui a fait savoir que 70% des chantiers de transformation digitale échouent, selon une étude réalisée récemment, et ce, en raison de problèmes de gestion classiques (culture de l’entreprise, organisation, process, leadership, compétences, dépassement de budget, etc.) ou de ce qu’elle a défini comme «l’illusion de la transformation digitale»…
En effet, les managers des grandes entreprises ne se demandent généralement jamais -ou pas suffisamment en tout cas- si les initiatives qu’ils sont en train d’adopter pour instaurer une transformation digitale sont suffisantes pour protéger leurs sociétés de la perturbation des innovations du marché. Et c’est principalement le cas des petites entreprises ou des startups.
L’ingénieure, qui occupe aujourd’hui un poste de gestion des ressources humaines, a indiqué, dans ce contexte, qu’il est important de toujours s’assurer que les initiatives que nous prenons nous garantissent un avantage concurrentiel dans le marché.
Néanmoins, selon elle, dans les faits, les managers sont souvent en train de faire du changement en étant sous l’illusion de faire de la transformation. Mme Bejaoui a, par ailleurs souligné, que les entreprises ne peuvent perturber l’environnement (externe) que si elles se perturbent elles-mêmes en interne.
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