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Tunisie : de quoi sera fait l’après-Kaïs Saïed ?

Kaïs Saïed / Faouzi Abderrahman.

La gouvernance hautaine, autiste, solitaire, improbable et incompétente de Kaïs Saïed, un président qui a du mal à saisir ce que les Tunisiens attendent réellement de lui, à savoir les aider à sortir de l’ornière de la crise où ils se morfondent depuis 2011, fait peser sur la Tunisie le spectre d’un après-Saïed que l’on ne peut imaginer sans un profond malaise.

Par Imed Bahri

Commentant dans un post Facebook hier, lundi 6 décembre 2021, la rencontre entre le président de la république Kaïs Saïed, et les principaux représentants du corps judiciaire, avec à leur tête Youssef Bouzakher, le président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), l’ancien ministre de la Formation professionnel et de l’Emploi, Faouzi Ben Abderrahman n’a pas été tendre avec le chef de l’Etat.

Au cours de cette rencontre, rappelons-le, le président Saïed a réitéré ses reproches habituels au corps judiciaire qui, outre les lenteurs inexplicables dans le traitement des affaires d’abus électoraux, montre une certaine indulgence à l’égard de certains responsables politiques ou hommes d’affaires influents.

L’empereur n’écoute que sa voix interne

«Les juges ne vont pas céder aux injonctions de l’empire car ils sont déjà dans l’après. Un après qui n’a rien de joyeux», a commenté l’ancien ministre, qui voit dans l’attitude jupitérienne de Saïed une posture quasi-impériale. «On l’a dit : le tempo est vital. L’empereur qui n’écoute que sa voix interne, a préféré gérer ça avec son horloge défaillante. Voilà ce que ça donne. Pas la seule raison bien entendu, l’incapacité de gérer, de planifier et même de réfléchir d’une manière rationnelle. Et surtout l’incapacité de rassembler sont aussi des raisons tout aussi importantes. Et voilà, on sera de plus en plus nombreux à être dans l’après», explique Faouzi Abderrahman, qui estime que le mandat de Saïed, qui se termine légalement en 2024, risque bien de ne pas aller à terme pour deux raisons au moins : un, la crise générale dans le pays qui est en passe d’atteindre un point de non-retour, et deux, l’incapacité de celui qui a accaparé tous les pouvoir, à la faveur des «mesures exceptionnelles» annoncées le 25 juillet dernier, de trouver des solutions aux problèmes auxquels fait face le pays, notamment un gros trou dans ses finances publiques que les bailleurs de fonds habituels hésitent à aider à combler.

Le crash serait donc imminent et c’est juste une question de jours ou de semaines.

Tout en estimant l’après-Saïed comme «inéluctable», l’ancien ministre ajoute: «On ne s’habitue jamais aux sauts dans l’inconnu devenus la marque d’un pays en mal de repères et de cohésion, mais on s’habitue par contre depuis trop longtemps aux occasions manquées et à la résilience de la médiocrité.»

Un président dépassé, un pays dans l’impasse

Le ton, comme on le voit, est amer et le désespoir qu’il exprime est incarné par la gouvernance hautaine, autiste, solitaire, improbable et incompétente d’un président qui a du mal à saisir ce que les Tunisiens attendent réellement de lui, à savoir les aider à sortir de l’ornière de la crise où ils se morfondent depuis 2011.

Faouzi Ben Abderrahman ne dit pas comment sera l’après-Saïed ni de quoi il sera fait. Peut-être n’ose-t-il même pas l’imaginer, comme beaucoup de Tunisiens, qui sentent leur pays dans une impasse et redoutent un scénario catastrophe que le spectre de la banqueroute financière ne permet pas d’écarter.

Si, cependant, un retour à l’avant-25 juillet est inimaginable, même si les dirigeants d’Ennahdha l’espèrent bien sans trop y croire eux-mêmes, car les Tunisiens ne le permettront sans doute pas, quitte à mettre les moyens les plus violents pour écarter cette perspective peu reluisante, la scène politique actuelle, totalement décrédibilisée au regard de la majorité des Tunisiens, saurait-elle gérer ce qu’on devrait considérer comme une nouvelle transition politique ?

Et la communauté internationale, notamment les principaux partenaires de la Tunisie, l’Union européenne et les Etats-Unis en tête, comment réagirait-elle à une telle perspective qui risque d’ajouter du chaos au chaos qui règne actuellement au sud de la Méditerranée, avec un Liban et une Libye au bord de la rupture, une Syrie convalescente, des bruits de bottes à la frontière algéro-marocaine et des hordes de groupes jihadistes au sud du Sahara ?

Ces questions sont aussi légitimes que déconcertantes, mais bien malin serait celui qui saura y répondre.

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