Accueil » La violence institutionnelle érode l’État de droit en Tunisie

La violence institutionnelle érode l’État de droit en Tunisie

Sanad, le programme d’assistance directe aux victimes de torture et de mauvais traitements de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) en Tunisie, a publié, le 14 décembre 2021, à Tunis, son 5e rapport annuel «La violence institutionnelle : Jusqu’à quand ?».

Le rapport se concentre sur la violence policière et institutionnelle dans un contexte marqué par une crise sanitaire sans précédent, des contestations publiques souvent matées avec l’usage de violences policières, et une crise politique ayant conduit à la concentration des pouvoirs entre les mains de l’exécutif.

«A travers le travail de Sanad, nous constatons que les reformes anti-torture doivent continuer et s’accélérer afin que l’État soit mieux équipé pour gérer des contestations et des crises potentielles dans le respect des droits humains. Nous voulons également faire valoir avec ce rapport que le soutien aux victimes de torture contribue à une société meilleure, que la réduction des abus policiers concourt à une société plus protectrice des citoyens.», a déclaré Gérald Staberock, secrétaire générale de l’OMCT.

Le Rapport Sanad 2020-2021 dresse un bilan du phénomène tortionnaire en Tunisie et présente les activités de prise en charge durant la période de janvier 2020 jusqu’à la fin du mois de septembre 2021. Sanad a documenté les vécus de violence de 150 personnes, victimes directes et leurs familles.

«Nous sommes particulièrement préoccupés cette année par l’intensification de la violence policière exercée à l’encontre des membres et militants de la communauté LGBTIQ++, des manifestants présumés, mais également des personnes fichées ‘S’», ajoute Gerald Staberock.

Les formes de la violence institutionnelle documenté sont diverses et multiples : Sanad a documenté des cas de personnes agressées dans des lieux publics à des fins punitives par des agents de police agissant dans le cadre de leurs fonctions ou même à la suite d’une dispute d’ordre privée, des cas de personnes torturées ou maltraitées en garde à vue pour obtenir des aveux, violentées en détention, rouées de coups ou harcelées en raison de leur orientation sexuelle, de leurs croyances religieuses supposées ou de leur activisme en faveur des droits humains.

Les centres Sanad au Kef, à Sfax et à Tunis accueillent et accompagnent des victimes de torture et de mauvais traitements ainsi que leurs proches venant de tout le territoire. Depuis sa création en 2013, Sanad a pris en charge 639 bénéficiaires, dont 430 victimes directes et 209 victimes indirectes de torture ou mauvais traitements. 

Au cours des deux dernières années, Sanad a dû naviguer entre les restrictions à la liberté de circulation, l’indisponibilité partielle de certaines administrations dues à la gestion de la pandémie ou à l’instabilité politique ainsi que l’afflux de nouveaux bénéficiaires à la faveur d’une violence policière en augmentation. Le rapport présente également les accomplissements de Sanad dans l’assistance psychologique, médicale, sociale et juridique de ses bénéficiaires. Il détaille les innovations mises en œuvre dans le cadre de l’assistance juridique avec la création d’un groupe d’action judiciaire, Sanad Elhaq, et l’initiation de plusieurs contentieux stratégiques devant les justices pénale et administrative.

«L’impunité de la torture reste aujourd’hui le défi principal. Dans un climat politique contesté, la justice porte une responsabilité accrue de protéger les droits humains et de rendre justice aux victimes pour les violences subies. SANAD œuvre pour un État de droit plus fort dans lequel le respect des droits des citoyens renforce la confiance dans les institutions et dans la démocratie», conclut Najla Talbi, directrice de Sanad.

Donnez votre avis

Votre adresse email ne sera pas publique.