GENÈVE (3 février 2022) – Les experts des droits de l’homme de l’ONU ont demandé à la Tunisie de rapatrier d’urgence six femmes et filles, âgées de 3 à 22 ans, qui sont détenues dans des conditions inhumaines dans les camps d’Al-Hol et d’al-Amarnah, dans le nord-est de la Syrie.
En 2014, quatre filles âgées de 6 à 14 ans ont été enlevées par leur mère et emmenées en Syrie. Elles ont été capturées en 2019 par les forces kurdes et sont privées de liberté depuis lors, sans qu’aucune procédure légale ne justifie leur détention. L’une des filles est encore mineure et l’aînée a deux filles de moins de 5 ans.
« Ces jeunes femmes et leurs enfants devraient être considérés avant tout comme des victimes et traitées comme telles », ont déclaré les experts de l’ONU. « Au lieu de cela, elles ont été abandonnées par leur propre pays en raison des liens ou d’affiliation présumés de leur mère à un groupe terroriste désigné. »
Elles sont détenues depuis plus de trois ans, en l’absence de toute procédure légale, pour des raisons peu claires et sans qu’aucune charge n’ait été retenue contre eux, ont indiqué les experts. Leur situation médicale est très préoccupante, trois des filles auraient été blessées par des grenades avant leur capture en 2019. Le camp d’al-Amarnah, où sont détenues l’aînée des captives et ses deux filles, serait sous le contrôle des autorités turques et reste inaccessible aux organisations humanitaires, dont le CICR.
« La situation sécuritaire et humanitaire de ces jeunes filles, y compris leur risque de violence fondée sur le genre, dans un environnement aussi fluide, incertain et sordide que les camps et autres centres de détention en Syrie, est extrêmement préoccupante », ont déclaré les experts. Les conditions sordides dans les camps constituent une menace sérieuse pour leurs droits fondamentaux. Ils ont ajouté que les récentes attaques contre des prisons détenant des suspects liés à l’ISIL (Daech) et la situation sécuritaire très préoccupante au camp d’Al-Hol, où au moins une des jeunes filles est détenue, soulignent l’urgence de leur retour chez elles.
Leur père a contacté le ministère des Affaires étrangères, le ministère de la Justice et le ministère de l’Intérieur afin d’obtenir l’aide des autorités tunisiennes pour leur rapatriement, sans succès.
« Le droit international est très clair. Les États et les autres parties à un conflit armé ne doivent pas détenir des enfants, même à des fins préventives », ont déclaré les experts. « Comme elles ont été contraintes de se rendre en Syrie alors qu’elles étaient mineures, les risques de traite /retraite et d’exploitation sexuelle des enfants sont très réels. Les victimes ou les victimes potentielles de la traite ne devraient jamais être placées en détention, mais devraient au contraire recevoir un soutien et une assistance ».
« Les autorités tunisiennes ont le devoir d’assurer le retour de ces six ressortissantes tunisiennes et de trouver une solution durable à leur situation. La protection de leur vie, de leur bien-être physique et mental, et de tous leurs droits, doit être une priorité absolue pour le gouvernement.
« Nous appelons les autorités tunisiennes à faire preuve de diligence raisonnable et à prendre des mesures positives et efficaces pour protéger la vie de ces ressortissantes tunisiennes en situation de vulnérabilité, et à veiller à ce que leur famille en Tunisie reçoive le soutien et la protection nécessaires contre les éventuelles représailles qui pourraient résulter de leur rapatriement. »
Le gouvernement tunisien est en contact avec les experts sur cette affaire depuis début 2021.
*Les experts: Fionnuala Ní Aoláin, Special Rapporteur on the promotion and protection of human rights and fundamental freedoms while countering terrorism; Mama Fatima Singhateh, Special Rapporteur on the sale of children; Elina Steinerte (Chair-Rapporteur), Miriam Estrada-Castillo (Vice-Chair), Leigh Toomey, Mumba Malila, Priya Gopalan, Working Group on arbitrary detention; Balakrishnan Rajagopal, Special Rapporteur on the right to adequate housing; Tlaleng Mofokeng, Special Rapporteur on the right of everyone to the enjoyment of the highest attainable standard of physical and mental health; Siobhán Mullally, Special Rapporteur on trafficking in persons, especially women and children; Morris Tidball-Binz, Special Rapporteur on extrajudicial, summary or arbitrary executions; Melissa Upreti (Chair), Dorothy Estrada Tanck (Vice-Chair), Elizabeth Broderick, Ivana Radačić, and Meskerem Geset Techane, Working Group on discrimination against women and girls; Reem Alsalem, Special Rapporteur on violence against women, its causes and consequences; Nils Melzer, Special Rapporteur on torture and other cruel, inhuman or degrading treatment or punishment; and Elina Steinerte (Chair-Rapporteur), Miriam Estrada-Castillo (Vice-Chair), Leigh Toomey, Mumba Malila, Priya Gopalan, Working Group on arbitrary detention.
**Les Experts indépendants font partie de ce qu’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Le terme « procédures spéciales », qui désigne le plus grand corps d’experts indépendants au sein du système onusien des droits de l’homme, est généralement attribué aux mécanismes indépendants d’enquête et de supervision mis en place par le Conseil des droits de l’homme afin de traiter de la situation spécifique d’un pays ou de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent bénévolement ; ils n’appartiennent pas au personnel de l’ONU et ne perçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou de toute organisation et exercent leurs fonctions à titre individuel.
Communiqué
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