Née en 1971, en Tunisie, Amel Moussa est une poète qui se distingue par sa thématique, fort présente dans son œuvre, sur le corps féminin. Elle y développe ses méandres, ses interdits, ses contrariétés, ses appels, ses obstacles, ses défis, ses affirmations, ses audaces et ses révoltes.
Dans le traitement de cette thématique, audacieuse voire subversive dans un monde arabe très conservateur, elle n’est pas loin du courant qui s’exprime dans la revue Jasad (corps) qu’anime la Libanaise, Joumana Haddad, Voix émancipatrice de la femme arabe donc, installée dans la modernité sociale, comme dans l’écriture. Son œuvre est entourée d’attention et de succès littéraire.
Amel Moussa, est poète, universitaire, journaliste et femme politique. Elle a occupé de hautes fonctions administratives et actuellement ministre. Parmi ses recueils (en arabe) : Femelle d’eau, 1996. La timidité du saphir, Le Caire, 1998 ; Il me féminise deux fois, Cérès, 2005; Un corps pluvieux, (anthologie personnelle) Damas, 2010; La vie n’a pas encore mis ses poudres ; Comme moi les étoiles brillent.
Tahar Bekri
Désireuse qui a dépassé tous les plaisirs
J’ai caché mon enfance
Dans des regards à la brillance des diamants
Et à la jeunesse de l’eau éternelle.
Je me suis servi en moi,
des erreurs d’un corps aux sanglots récents.
Et j’ai jailli sur terre
Femme.
J’ai questionné les morts âgés
Les derviches
Le vendeur d’eau bourgeois
Tout un chacun que je rencontre
Qui était bébé à allaiter.
J’ai supplié la tête de mon amoureux
Avec des yeux brûlants
Et crié :
En toi trouverais-je Dieu
Tête de mon amoureux ?
Sois flux qui ne connaît pas le reflux
Poème endormi sur la poitrine d’un poète bohème.
Sois poète faite des quatre saisons
Parole au bégaiement difficile, comme la métaphore.
Dévoilement,
Après lui tombent les voiles
Plaines à la lumière étendue.
Sois le froid qui me libère des morsures de l’ennui
Ma douleur quand je dépasse tous les plaisirs,
Et que les deux jambes révèlent
les désirs fuyants comme les oiseaux.
Il ne reste de mes désirs que le safran
Et un corps devenu lit pour le plus long sommeil.
Même mon orgueil, je n’en suis plus sincère.
Je me le présente de mes vieilles photos
Et passe le temps à préparer un café
Son sucre meurtri par le marre
L’a fait tomber dans le désir des contraires.
Jument d’eau
Je marche comme une Gitane vers
Où poussent les plumes bariolées.
Mouillées.
Gitane, qui fredonne une chanson de marin
Qui a décidé de revenir à l’oiseau d’hier,
Portant le reste de son éveil
Et une dispute avec les pirates de la terre.
Je marche vers ma ville,
Et cueille dans la cour de la maison des secrets
Révélés par des chambres longtemps ayant vécu
L’accouplement de la terre et du ciel.
Dans la cour de cette maison
J’embrasse une enfant à qui je ressemblais
C’est moi,
Qui s’assoit comme elle veut
Pas de différence pour elle entre deux genoux nus
Et ses propres genoux nus !
Un chat passe
Et me souviens combien de fois ma grand-mère
A-t-elle réuni les chats de la maison
Et les a chassés.
Quand elle revenait
Les chats lui ouvraient la porte.
Je marche vers celui à qui j’ai promis
De ne pas embrasser son front quoique fasse la mort
Je reviens vers moi
Sous moi les lieux
Et dans la main une montre et un coup du destin.
Avec lui je monterai les chevaux
Jusqu’à atteindre l’eau,
Je marche Bédouine
Qui imite l’herbe au tatouage
Soudain,
Sa jarre se penche
Et elle se désaltère !
«Jasadun mumter» (Un corps pluvieux), éd. Alfarqad, Damas, 2011.
©Trad. de l’arabe par Tahar Bekri
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