«Ne pas ajouter à la démence du réel, la niaiserie d’une explication», écrivait Jean Rostand. «Ceux qui ne peuvent se souvenir du passé, sont condamnés à le répéter», renchérissait George Santanaya. On aimerait proposer ces deux citations à la méditation de ceux, nombreux parmi nous, qui soutiennent l’agression armée de Poutine contre l’Ukraine.
Par Rachid Barnat
Je lis çà et là des soutiens, voir des justifications à l’invasion de l’Ukraine par Poutine, dont le rappel des «fautes» des Etats-Unis (EU) et de l’Union européenne (UE) vis-à-vis de Poutine, voire l’arrogance de l’Otan à l’égard de la Russie.
Quoiqu’on puisse reprocher aux EU ou à l’UE, il ne faut pas perdre de vue que c’est le camp des pays démocratiques. Aussi malmenée que soit la démocratie en ces pays, c’est le seul régime qui garantisse les libertés individuelles et l’Etat de droit.
La démocratie ne saurait être discréditée par ses erreurs
S’il est vrai que les démocraties occidentales ont souvent dévoyé la démocratie jusqu’à prétendre l’imposer aux Irakiens; et que d’Irak, elle se répandra comme une traînée de poudre dans le Moyen-Orient; et que par contagion elle finira par éliminer les dictateurs… alors qu’elles entretiennent les meilleures relations avec des pétromonarques au pouvoir absolu.
S’il est vrai que les EU et l’UE n’ont rien fait pour préserver une démocratie naissante dans les pays de l’ex-bloc soviétique.
S’il est vrai que ces démocraties n’ont eu aucun scrupule pour détruire des pays (Irak, Syrie, Libye…) et entraîner la mort de millions d’hommes et grossir les rangs des réfugiés fuyant la guerre et ses misères. Leur dernier forfait étant le fumeux «Printemps Arabe», dont les Tunisiens subissent encore les conséquences.
S’il est vrai qu’ils n’ont rien fait pour soutenir les démocrates tunisiens qui aspiraient à une réelle démocratie; et auxquels ils ont imposé les Frères musulmans et continuent de soutenir leur chef en Tunisie Rached Ghannouchi, ce grand démocrate devant l’Eternel.
Il n’en demeure pas moins que la démocratie est et demeure le régime le moins pire que les totalitarismes communiste (Chine, Corée du Nord …) et islamiste (Iran, Arabie des Ibn Saoud…).
Poutine réédite la barbarie de Hitler
Poutine avec sa culture soviétique antidémocratique, nostalgique de l’ex-URSS et de son emprise sur ses «alliés», pays satellites de la Russie, est un dictateur fasciste qui ne connaît que la force et la brutalité pour mettre au pas ces peuples comme au temps de l’empire soviétique.
L’erreur des démocraties est de n’avoir pas réagi à temps et comme il le fallait quand Poutine avait soumis la Tchétchénie en y plaçant un pouvoir fantoche à sa solde, quand il a maté la révolte des Géorgiens et des Biélorusses qui aspiraient à une réelle démocratie, quand il s’est approprié la Crimée… et maintenant, quand il veut dégager un président ukrainien élu démocratiquement parce que, patriote et courageux, ce dernier refuse de se plier à ses volontés !
Un Poutine qui cherche à soumettre d’autres voisins comme la Finlande et la Suède qu’il menace de ses foudres s’ils ne se soumettaient à ses desiderata… comme s’ils n’étaient pas des Etats indépendants et souverains. Exactement la méthode adoptée par Hitler pour dominer l’Europe au prétexte d’assurer un espace minimum vital pour l’Allemagne après la première guerre mondiale.
Faut-il rappeler que Poutine réédite la barbarie de Hitler qui a berné les démocraties pour installer son fascisme dans toute l’Europe.
Et si Poutine a le soutien de Trump, de Zemmour et de Le Pen, ça en dit long sur l’attachement à la démocratie de ces populistes.
Suivre l’exemple du visionnaire Bourguiba
Bourguiba visionnaire et sage, contrairement à beaucoup de dirigeants arabes qui avaient soutenu Hitler quand il avait envahi l’Autriche, la Pologne, la Belgique…, conseilla aux Tunisiens de soutenir le camp des alliés bien que lui-même combattait le gouvernement de Vichy pour libérer la Tunisie du colonialisme, parce qu’il voulait rester du côté des démocraties et des Etats de droit, aussi imparfaites qu’elles étaient ces démocraties, pour lui garantir l’obtention de l’autonomie puis de l’indépendance de son pays.
Cette crise ukrainienne est l’occasion pour les Européens de prendre conscience de l’importance de l’Otan mais aussi qu’il devient urgent pour l’UE d’assurer sa propre sécurité en créant une organisation militaire commune aux pays membres de l’UE pour s’émanciper des EU et sortir de l’Otan créée lors de la guerre froide pour contrer toute offensive soviétique. Déjà en 1970 Henri Kissinger moquait l’UE en demandant : «L’Europe, quel numéro de téléphone?». Et depuis la chute du mur de Berlin, de plus en plus de pays de l’Est ont rejoint l’UE ou aspirent à le faire; mais choisissent d’intégrer l’Otan pour assurer leur sécurité par les EU qui dominent cette organisation, pour se protéger de l’ogre russe, puisque l’UE ne peut assurer sa propre sécurité.
Il y a déjà eu une alerte qui a fait prendre conscience à certains Européens de leur vulnérabilité quand Trump leur rappelait à quel point ils étaient redevables aux EU qui domine l’Otan, pour leur imposer sa politique; façon de leur rappeler que l’UE n’est rien sans les EU.
Par ailleurs, face à la montée en puissance de la Chine, le centre d’intérêt stratégique américain est passé de l’Atlantique au Pacifique; et compte tenu du début du déclin de la puissance américaine acté par leur départ précipité d’Afghanistan, il serait grand temps pour l’UE d’assurer sa sécurité si elle veut exister demain face à la Chine et à Poutine qui rêve de restaurer l’empire soviétique.
Et ceux qui croient en Poutine et espèrent beaucoup de la Russie et de la Chine, deux régimes totalitaires, deux pays d’absence totale des libertés, en seront pour leurs frais si par malheur le rapport des forces s’inversait en faveur de ces deux puissances asiatiques. Car ceux qui ignorent l’Histoire, sont condamnés à la revivre.
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